Bob Marley et sa leçon du ‘’One love peace concert’’ qu’aucun reggaeman n’a jamais réalisée
Il y a quelques années, j’assistais à une émission sur la RTI, une émission de Martika productions, je crois; les DJ en étaient les invités. A une question très offensive d’un spectateur qui s’interrogeait de ce que les chansons des DJ ne véhiculaient aucun message, S Kelly répliqua, visiblement excédé : ‘’Si vous voulez des messages, allez-y écouter le reggae’’. Il venait ainsi de lancer sans le savoir un pavé dans la marre. Le reggae, contrairement aux autres musiques, a une philosophie et est une philosophie. Un artiste, selon le mot de Victor Hugo, est un mage. Cette dimension messianique demeure chez l’artiste reggae, intemporelle, impersonnelle parce qu’un message musical doit viser à l’éternité, à l’universalité. Bob Marley, le pape du reggae, a réussi cela dans toutes ses productions.
De l’analyse exégétique de ses textes, il ressort que sa thématique transcende les frontières, les époques, les individus. Les belles allégories et ou métaphores sur ‘’Babylone’’, ‘’l’apocalypse’’ très récurrentes consacrent une sorte de ‘’déprosaïsation’’ de son discours pour le rendre éclatant tant poétiquement qu’intellectuellement. De fait, en chantant les excès du néocolonialisme, l’hypocrisie de l’impérialisme dans ses rapports avec le Sud, l’unité, il se fait un témoin objectif, dépassionné qui échappe ainsi aux appâts des combats claniques, ethniques auxquels nous assistons en Afrique.
L’artiste, étant la voix des sans voix, a le devoir sacré de prendre position dans le débat national sans toutefois prendre parti, notamment au plan politique. Une belle leçon nous en a été fournie par l’icône Robert Nesta Marley qui, en 1978, au plus fort de la guerre civile qui ravageait son pays la Jamaïque, plutôt que de prendre parti, a préféré prendre position en organisant un concert, le ‘’one love peace concert’’ le 22 avril 1978, événement au cours duquel il rapprocha les deux ennemis jurés de la scène politique, Michael Manley et Edward Seaga. L’ayant fait, il s’est mis au-dessus de la mêlée des partisans et adversaires.
Malheureusement, ce 11 mai 2024, soit 43 ans après sa mort, l’héritage philosophique de Bob Marley n’est assumé par aucun autre reggaeman dans le monde. Où sont-ils ces artistes, quand la paix est menacée, qui auront l’inspiration de rapprocher des leaders politiques antagonistes sur une même scène, au nom de cette paix ? Tout le monde chante, tout le monde dénonce du bout des lèvres mais avec dans la poche, la carte du militant politique. Dommage !
Diaman Emmanuel
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