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La guerre entre les Etats-Unis et le Venezuela aura -t-elle lieu ? (par Douglas Mountain)

Venezuela US 1

La question fait l’objet de spéculation vu l’imposant déploiement militaire au large des côtes de ce pays d’Amérique latine, allié de la Russie et de la Chine. A partir du mois d’Août dernier, les Etats Unis ont positionné dans la mer de caraïbes en face du Venezuela, le plus grand porte-avion du monde l’USS Gerald R. Ford, avec sa flotte de soutien composé notamment de destroyers, de lances missiles, de navires de débarquement etc….soit huit navires, auquel s’ajoute un sous-marin d’attaque à propulsion nucléaire. Quelque 10 000 hommes sont ainsi déployés.

Officiellement il s’agit pour les américains de combattre le trafic de drogue. Depuis Septembre, ils entreprennent des frappes sur des embarcations qui selon eux transportent de la drogue depuis les côtes du Venezuela et de la Colombie, en direction des Etats-Unis. Mais ils n’apportent aucune preuve de la cargaison de ces embarcations, si bien que nombre d’experts n’excluent pas des frappes sur des bateaux de pêche, comme le dénoncent les gouvernements Colombien et vénézuélien. En fait dans le viseur des Américains se trouve Nicolas Maduro, président du Venezuela.

Le contentieux entre les deux pays remonte à 1998, lorsque Hugo Chavez arrive au pouvoir dans ce pays, et décrète la "révolution bolivarienne". Il dénonce "l’impérialisme américain", et prend pour modèle Fidel Castro, le dirigeant Cubain juste à côté. Il se rapproche de la Russie. Si l’Arabie Saoudite est le premier producteur de pétrole, en revanche le Venezuela est celui qui détient les plus grandes réserves prouvées d’or noir. Les américains ne peuvent tolérer qu’un pays de cette importance s’aligne sur Cuba et la Russie. Dès cet instant, le Venezuela devient pour les Etats-Unis, « une question dont il faut s’occuper ».

Le Venezuela est resté une préoccupation des administrations américaines depuis l'arrivée au pouvoir d'Hugo Chavez. En 1998, le président américain le démocrate Bill Clinton était à moins de deux ans de la fin de sa présidence. Un temps assez court pour s’occuper de la question. En 2000 est élu Georges W Bush, un républicain dur. Moins d’un an plus tard, ce sont les attentats du 11 Septembre 2001, s'ensuivent les guerres d’Afghanistan et d’Irak, qui l’ont occupé durant ces deux mandats (2000 – 2008). Néanmoins des sanctions sont prises contre le Venezuela. En 2008 est élu Barack Obama, un démocrate moins enclin à utiliser la force. Il opère même une ouverture vis-à-vis de Cuba.

En 2016 c’est le premier mandat de Trump. La politique américaine redevient plus agressive vis-à-vis de ce pays. Une intervention militaire est ouvertement évoquée. Les américains mettent à prix ( 15 millions de dollars ) la tête du président Nicolas Maduro qui a succédé à Hugo Chavez décédé en 2013. Ils reconnaissent la légitimité de l’opposant Juan Guaido, qui s’était autoproclamé "président". Ils mettent tout en œuvre pour favoriser un putsch dans le pays, mais sans succès. En 2020 est élu Joe Biden, un démocrate, la question n'est pas une priorité. Mais avec le retour de Donald Trump en 2024, il ne s’agit plus de menaces, mais d’actions. Il faut faire tomber le régime. La tête de Maduro est à nouveau mise à prix. 50 millions de dollars sont promis à toute personne qui fournira des informations menant à sa capture.

Rappelons que dix ans plus tôt, en 1989, un autre dirigeant Sud-américain, Manuel Antonio Noriega du Panama, s’était aussi lancé dans des discours "anti impérialiste" et avait ouvertement défié les Etats-Unis. Les Américains ont alors émis un mandat d'arrêt contre lui au motif qu'il était impliqué dans le trafic de drogue. En réalité, sa proximité avec les cartels de la drogue était connue des Américains et ne les gênait en rien. C'est lorsqu'il a tenté de "s’affranchir" de leur tutelle qu’il est devenu gênant. Les Etats Unis ont alors positionné 30 000 hommes et lancé l’invasion du Panama. Noriega s’est réfugié à l’ambassade du Vatican, puis s’est finalement rendu. Il fut plus tard incarcéré aux Etats-Unis.

Le parallèle est frappant avec ce qui se passe aujourd’hui. Les américains accusent le président Nicolas Maduro d'être impliqué dans le trafic de drogue à destination des Etats-Unis. Ils veulent coûte que coûte le capturer. Dans ce contexte, retirer leurs forces sans que cet objectif ne soit atteint constituerait un sérieux revers pour eux. Nicolas Maduro en sortira renforcé sur le plan international et dans la région.

La guerre, on le sait, n’est pas le "truc" de Trump, quoique son imprévisibilité et ses méthodes brutales lui donnent l’air d’un "dur". En réalité, il aime se tenir loin du fracas des armes. Pas question pour lui d'entraîner le pays dans une longue et coûteuse guerre, à l’image des guerres d’Irak, et d’Afghanistan. Il a déclaré en tout début de mandat, qu'aucun soldat américain ne combattra à l'étranger durant sa présidence. Comment dans ce cas faire partir Nicolas Maduro ? Le plan américain vise à faire monter la pression pour amener l’armée à "lâcher" Maduro, c’est-à-dire à le livrer. Elle exercerait ensuite une transition et dans un délai raisonnable organiserait des élections. Tel est la trame du plan.

Mais dans les détails, il sera compliqué à mettre en œuvre. Si par des frappes chirurgicales, les américains peuvent aisément neutraliser l’aviation du Venezuela et les centres de commandement de l'armée, que fait-on après ? Avec des frappes sans engagement au sol, le chaos n’est pas à exclure, avec des armes qui vont se disséminer dans la population. Le pays dispose d’une armée de 120 000 hommes, de 8 000 hommes de réserve, et de la "milice bolivarienne" de 220 000 hommes, une sorte d’armée parallèle. Maduro a promis que tout le peuple sera armé, et s’est dit disposé à mener une « guerre longue ». Visiblement il se prépare à une guérilla.

Pour l’instant les frappes américaines ont lieu en mer au large des côtes, mais Trump a dit ne pas exclure l’envoi de troupes au sol dans le pays. Il a aussi affirmé avoir donné l’ordre à la CIA de « mener des actions » au Venezuela. Sa stratégie vise à pousser l’armée vénézuélienne à "passer à l’action", une action que les troupes américaines stationnées au large du pays, viendraient ensuite appuyer. Beaucoup affirment que toute l’armée n’est pas derrière Maduro, pourtant à ce jour elle est restée fidèle à l’homme. On ne la voit pas le capturer.

En bombardant l’Iran en Juin 2025 dans ce qu’il est convenu d’appeler "la guerre des 12 jours", Israël et en arrière-plan les Etats Unis faisaient le pari d’un renversement du régime sous l’action d’officiers et de l’opposition extérieure. Les premières frappes ont ciblé des hauts gradés de l’Etat-major afin de créer un vide dans le commandement de l’armée. Mais voilà, ce soulèvement n’a pas eu lieu. Se serait-il produit si les frappes avaient continué ? On spécule toujours à ce sujet. Rien ne permet d’affirmer qu’en cas de frappes massives, l’armée vénézuélienne se retournera contre Maduro. Et puisque les Etats Unis se refusent à se lancer dans une véritable guerre d’invasion, on ne voit pas comment ils pourront mettre la main sur l’homme.

Trump est encore une fois face à ses contradictions. Cette affaire rappelle son différend avec le dirigeant Nord Coréen Kim Jong Hun, durant son premier mandat. Les Etats-Unis avaient aussi déployé porte-avions et sous-marins au large de la Corée du Nord, et multipliaient les manœuvres avec l'armée sud-coréenne. Chaque semaine les deux dirigeants se lançaient dans des déclarations guerrières. Les Etats-Unis promettant de "rayer de la carte" la Corée du Nord, tandis qu'elle me promettait de "détruire" les Etats-Unis. Finalement la montagne a accouché d'une souris. Il se sont rencontrés à deux reprises, et depuis les choses en sont restées là. Trump s'est déclaré prêt à "parler avec Maduro". Va-t-il se "dégonfler" encore une fois ?

Douglas Mountain
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Le Cercle des Réflexions Libérales

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