Éléphants de Côte d'Ivoire : Qui a voulu “sacrifier” Max-Alain Gradel ?
La joie aura été de courte durée. Parasitée par le fameux discours du capitaine des Éléphants, Max-Alain Gradel, mardi 13 février au palais présidentiel du Plateau. Ce dernier a ouvert la boîte de Pandore, faisant réapparaître des clivages que l'on croyait oubliés entre joueurs et supporters suite à la débâcle du premier tour de cette 34e CAN remportée à domicile. La troisième de l'histoire du pays.
Il a laissé entendre, en substance, qu’à part le Président Ouattara et les familles biologiques des footballeurs, le peuple leur avait tourné le dos. Décrivant une situation difficile à vivre pour lui et ses coéquipiers pris “entre le choc de la défaite et la colère du public”. Dans la suite de son propos, évidemment aucun mot de remerciement à l'endroit des supporters. Un crime de lèse-majesté qui a fait sortir de leurs gongs de nombreux Ivoiriens qui dénoncent une ingratitude flagrante.
A la décharge du capitaine, plusieurs personnes ayant lu entre les lignes pensent que ce texte n'a pas été pondu par Max-Alain Gradel lui-même. A la guerre comme à la guerre, quelqu'un se serait servi du footballeur pour régler ses comptes avec le peuple à distance. Qu'à cela ne tienne. Parmi les nombreux internautes qui expriment leur mécontentement sur la toile depuis hier, la réaction de la supportrice Andréa Audrey Kouamé, commerçante : «Je ne voulais pas parler dans cette histoire de Max-Alain Gradel, mais je vais juste lui dire un petit truc et aller me concentrer sur mes prières», dit-elle.
«Cher capitaine, sais-tu au moins qu'en allant vous supporter à Yamoussoukro et à Bouaké ou ici-même à Abidjan, tout était à nos frais ? Sais-tu quel montant les gens ont déboursé pour payer les chambres d'hôtels et résidences, sans compter le prix des tickets parfois 5 ou 6 fois plus cher qu'au prix officiel ? Mais tout ça, nous l'avons fait par amour pour le pays, et surtout pour vous. Hélas, votre ingratitude envers nous me dépasse.
Sur le chemin retour de Yakro, certains supporters ont perdu la vie, êtes-vous au courant ? Une maman a fait une vidéo ici, car son fils a fait un arrêt cardiaque après votre défaite contre la Guinée-Équatoriale. Le PDG d'un groupe scolaire est mort après votre sacre en finale, tellement il était heureux. Moi-même dans la foulée, je me suis fait subtiliser deux articles coûteux. Mais tellement heureuse, je dis, ce n'est pas grave !», s'indigne-t-elle.
Avant de poursuivre : «Pour aller vous soutenir contre le Congo (République Démocratique du Congo lors de la demi-finale : ndlr) à Ebimpé, savez-vous le nombre de kilomètres que nous avons parcourus à pied, en aller et retour ? De retour à la maison, mes pieds étaient couverts de plaies, mais je me suis soignée très rapidement. Le dimanche (jour de la finale Nigéria-Côte d'Ivoire le 11 février : ndlr), je boîtais encore. Mais je suis allée au stade. Vous n'avez même pas idée de tous les sacrifices qu'on a pu faire pour vous. Aujourd'hui, qui sont les grands perdants ? Nous. Parce que vous êtes récompensés mais pas nous. Mais on s'en fout, car nous l'avons fait pour le pays. J'ai personnellement organisé des séances de prières, fait des dons à la Vierge-Marie, mis en place des cellules de prières. On se relayait les nuits pour faire des Ave Maria», révèle-t-elle.
Précisons toutefois que Max-Alain Gradel s'est, depuis, excusé dans une publication, ce mercredi 14 février. Il a adressé un message de remerciement sur sa page Facebook, avec des mots authentiques venant de son cœur, aux supporters ainsi qu'à toutes les personnes vivant en Côte d'Ivoire qui ont soutenu les Éléphants pendant toute la CAN.
Après la Coupe, fini l'humilité ?
Sitôt après la victoire, dimanche 11 février, l'une des premières vidéos de certains joueurs menés ce soir-là par Serge Aurier a été cette salve d'insultes proférées à l'endroit de l'activiste Johnny Patchéco. Une réaction pas vraiment nécessaire. De même que la réponse du coach Emerse Faé à Jérôme Rothen. Surtout, quand l’on sait que l'ancien joueur français est coutumier du fait, en créant des polémiques. Les Éléphants devraient continuer de faire profil bas, en toutes circonstances comme plusieurs d'entre eux, à l'image de Séko Fofana ou Franck Kessié (pour ne citer qu'eux)... Autour du groupe, Didier Drogba, disponible pour tenter de guider, apporter le soutien qu'il a pu durant cette compétition, sans toutefois empiéter sur le territoire des autres.
La communication autour des athlètes, leurs dirigeants, ainsi que de l'encadrement technique devrait être mieux maîtrisée, afin d'éviter que l'on en arrive à des déchirures, là où le chef de l'État appelle plutôt au rassemblement. Ce dernier n'a pas manqué de souligner la joie que cette Coupe procure aux Ivoiriens, en y allant de ses propres anecdotes croustillantes qui ont fait sourire son auditoire le mardi.
Certes il y a eu des incertitudes, à un moment du parcours des Éléphants lors de cette CAN 2023, et la colère du public est légitime. Mais comme toujours, les "supporters-maso" n'ont jamais abandonné leur équipe nationale de football !
François Yéo
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