Skip to main content

Laissons les jeunes assumer leurs responsabilités de construire le présent de notre continent

Jeunes

 




A travers le temps, les jeunes ont toujours été ceux qui fondent l’Histoire. C’est donc le présent qui leur appartient et non l’avenir.

Dans les années 1980, 5 iraniens sur 6 avaient moins de 25 ans. Toute chose qui a fondé le journaliste Bernard Guetta du Nouvel Observateur, d’ironiser en suggérant qu’il fallait rebaptiser l’Iran : «Babyland, Jeunistan, République Gaminocratique d’Iran.»

C’est cette jeunesse qui a non seulement fait chuter le Shah mais qui prenant conscience de sa responsabilité, a construit la République Islamique sur le plan politique, économique, scientifique, technologique et social. Ces «gamins» ont permis à ce pays et cela malgré 45 ans de tracasseries des grandes puissances (avalanche de sanctions, boycott, embargos et même guerres par procuration), de compter aujourd’hui parmi les premiers au monde sur les plans scientifique, technologique, économique et industriel.

Dans l’antiquité, Romulus et Remus, les jumeaux abandonnés et recueillis par une louve ont, selon la légende, fondé Rome, la ville éternelle à seulement 18 ans en 753 avant JC.

Quant à Alexandre le Grand, il a débuté à 20 ans la constitution du plus grand empire qui n’a jamais existé sur Terre. Il est mort à 32 ans pour rentrer dans l’Histoire comme l'un des dirigeants et commandants militaires les plus influents et efficaces de tous les temps.

En 1789, ce sont les jeunes dont certains encore en culotte courte qui ont pris la bastille et fait triompher la révolution française. Leurs descendants feront trembler 179 ans plus tard, les fondements de la 5ème République et son inspirateur en Mai 68.

Mozart a composé à l'âge de onze ans en 1767, son premier opéra.

A Madagascar, jugeant la proclamation de l’Indépendance du 26 juin 1960, non valable à cause des accords de coopération avec la France qui en constituaient les avenants, les étudiants ont mené une révolution qui a abouti à la proclamation en mai 1972 d’une deuxième indépendance.

En 2011, dans tout le monde arabe s’est élevé le bruit de régimes inamovibles qui s’effondraient sous le coup de boutoir d’une jeunesse mécontente. Même si les puissances occidentales ont fait triompher peu de temps après des contre-révolutions pour rétablir l’ordre ancien, le printemps arabe a fait date dans l’Histoire.

Ces exemples, qui peuvent être complétés par vingt et cent d’autres, montrent le rôle moteur que les jeunes ont joué à travers l’Histoire et surtout dans le destin de leur nation. Les nations qui ont voulu ou su utiliser les atouts anthropologiques et physiologiques de leurs jeunes en termes de mobilité, de force, de dynamisme et d’innovation et de colère ont connu des développements fulgurants dans l’Histoire.

Comme le dit Michel Colardelle : «la jeunesse est l’aile marchante, innovante, dynamique, d’une société qui connaîtrait sans elle des changements moins amples, moins rapides, voire la stagnation».

Les jeunes maîtrisent les nouvelles technologiques, parlent des langues que leurs parents ignorent et ont moins d’inhibition face aux défis de la vie et de complexes à parler aux autres.

En Afrique, nous avons choisi de mettre tous ces atouts en jachère à l’aide d’une formule de confort qui ne correspond à rien, à savoir : «c’est l’avenir qui appartient à la jeunesse».

Cela suppose qu’aujourd’hui, donc le présent où se construit justement l’avenir, est l’affaire exclusive d’ancêtres qui en plus de se préoccuper de leurs problèmes de rhumatismes, s’octroient de manière déloyale le droit comme le dit les malinkés de «vivre à la fois leur temps et ceux de leurs enfants et petits-enfants».

Dès lors, toute la magnifique force de vie, de réflexion, d’ambition, d’indignation, de révolte et de colère créatrice de la jeunesse africaine est sacrifiée par la volonté de vieux fourneaux de vouloir toujours être de service.

De manière insidieuse donc, on assiste sur le continent africain actuellement, à un abrègement de l'enfance et un étirement sur des durées totalement inouïes de l'adolescence. Cette politique malicieuse de déresponsabiliser les jeunes compromet la célérité de leur accès à une indépendance professionnelle, financière et sociale.

Il est vrai qu’en Afrique, nous sommes dans un écosystème qui privilégie les valeurs d’expérience et de sagesse dont sont dépositaires les anciens et qui fondent la relation verticale entre eux, destinés à commander, et les jeunes, sommés d’obéir. Mais les moteurs qui conduisent le développement dans le monde actuel fonctionnent avec d’autres variantes dont la non-prise en compte équivaut à une condamnation à la stagnation de la société concernée.

C’est donc une erreur suicidaire que de mettre sous l’éteignoir dans une salle d’attente nos jeunes alors que les défis sont immenses pour ce continent. En agissant ainsi, nos gouvernements se conduisent comme un entraîneur qui laisse sur le banc de touche son meilleur joueur dans un match décisif.

L’oisiveté étant la mère de tous les vices, les jeunes ainsi cantonnés dans des salles d’attente de l’action durant de très longs moments finissent par se pervertir et se marginaliser. Ceux qui ne sont pas minés par le vice, s’enfuient se noyer dans la mer ou mourir dans le désert en tentant d’échapper à l’habitude de ne rien espérer dans leurs foyers.

Au fond de la mer et du désert se trouvent donc enfouie une grande quantité des forces tectoniques que le continent pourrait utiliser pour se projeter vers un destin plus radieux et moins désespérant.

Dès lors, si tant est que le continent noir veut sortir de sa léthargie et abandonner sa fonction de terrain de jeu et d’enrichissement des autres, tout en prenant la résolution de plus accepter de mourir de soif les pieds dans l’eau, il faut une nouvelle approche du rôle des jeunes dans nos sociétés.

Moritié Camara
Professeur Titulaire d'Histoire des Relations Internationales

Pin It
  • Vues : 129