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Opinion / Israël– Iran : le moment de vérité (par Douglas Mountain)

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Dans la nuit du jeudi 12 au vendredi 13 Juin, le monde a atteint un point de basculement. Israël a fait décoller quelque 200 avions pour des frappes massives en Iran. Au petit matin du Vendredi 13 (un jour très symbolique pour les mystiques), la planète entière était sidérée, tétanisée par l’ampleur de l’attaque. Bien sûr, le conflit entre Israël et l’Iran était inévitable, il s’inscrit dans la logique des évènements, tout le monde était conscient qu’un jour ou l’autre, ces deux pays viendraient à s'affronter. Mais personne n'avait anticipé son déclenchement de façon aussi brutale, cette intensité des évènements dès le premier jour. Les premiers à être surpris furent certainement les Iraniens, qui s’attendaient peut-être à des frappes, mais pas à une telle échelle.

Les premières frappes Israéliennes ont ciblé les défenses anti aériennes et les hommes clés de l’appareil militaire iranien. Ainsi le commandant des gardiens de la révolution, le chef d’état-major de l’armée , et le chef du programme nucléaire et balistique iranien, ont été éliminés dès la première nuit de bombardement, suivis par le chef des renseignements iraniens ainsi que plusieurs scientifiques de haut niveau travaillant sur le programme nucléaire. On reste toujours étonné de voir Israël atteindre ce type d’objectif avec une relative facilité. .

Mais en face, l'Iran n’est pas une nation militairement démunie. Sitôt le premier moment de stupeur passé, les premiers missiles et drones ont commencé à pleuvoir sur Israël dans la journée du Vendredi 13. Depuis c’est l’escalade, le conflit est entré dans le vif dès le premier jour, il n’y a pas eu de round d‘observation. Si avec leur F-15, F-16, et surtout F-35, les Israéliens ont la maîtrise totale du ciel iranien, et bombardent là où ils le veulent, les Iraniens ont des missiles qui s’avèrent dévastateurs, et que les Israéliens ne parviennent pas toujours à intercepter, en dépit du système "dôme de fer".

Ce bouclier anti -missile leur permet habituellement d’intercepter les projectiles en provenance du sud Liban, de la bande de Gaza, et du Yémen. Mais face aux missiles iraniens beaucoup plus sophistiqués et beaucoup plus nombreux, la tâche est rude. Bnei-Brak, une banlieue au sud de la capitale Tel Aviv, a été touchée le samedi 14. Les dégâts sont impressionnants et frappent les esprits, un immeuble de 12 étages a été totalement soufflé, ainsi que toute une zone aux alentours. Le bilan fut d’un mort parce que la population avait été avertie et a pu se rendre aux abris. Mais on se croirait dans la bande de gaza que l’armée israélienne a réduite en ruines. Et ce n’est pas le seul endroit touché depuis. Le lundi 16, ce fut le cœur de Tel Aviv qui a été touché par les Iraniens, avec toujours ces destructions qui choquent.

Certes les Israéliens soutiennent leur gouvernement, et l'aviation bombarde sans relâche et sans entrave, les sites militaires, nucléaires, les infrastructures pétrolières et gazières iraniennes. Mais si les dégâts tels que ceux de Bnei-brak se poursuivent, l’opinion israélienne peut se retourner contre ses dirigeants, et cela d’autant plus que l’Iran cible ouvertement les villes aujourd'hui. Ainsi le stock de missiles détenus par l’Iran est une grande inconnue de l’affaire. On parle de 10 000 missiles. l’Iran lance quotidiennement entre 100 et 150 missiles, une cadence qui peut se maintenir environ 90 jours, soit 03 mois. Israël peut-il se permettre de subir de tels dégâts durant cette période ?

Maintenant que la guerre est totale entre les deux pays, une seule question est désormais dans tous les esprits. Quand vont s’arrêter les Israéliens ? On sait qu’ils visent non seulement l’arrêt du programme nucléaire iranien, mais aussi la chute du régime des mollahs. Les dirigeants israéliens misent sur une révolte de la population. Israël n’a pas les moyens de s’engager dans une campagne terrestre en Iran. Peut-elle plier l’affaire avec seulement son aviation ? Les experts sont sceptiques, d'autant plus que les dommages que lui infligent la république islamique sont loin d'être négligeables et vont en s'amplifiant, amenant les capitales européennes à commencer l'évacuation de leurs ressortissants.

Mais quelque chose peut accélérer la donne, l’attitude des Etats Unis. Ils ont certes affirmé ne pas s’être associés à Israël dans son offensive, et exhortent les deux pays à arrêter les hostilités. Mais il est évident que sans une coordination avec les Etats unis, Israël aurait été incapable d’entreprendre des frappes d’une telle envergure. L’Iran affirme disposer de "preuves solides" attestant que les Etats –Unis sont "acteurs" dans ce conflit. Seulement quatre mois après la mise en place de l'administration Trump, Israël se lance dans cette opération. C’est dire que celle-ci était planifiée de longue date, mais se heurtait certainement au refus de l’administration précédente. Avec Trump, les Israéliens sont en confiance. Il a d’ailleurs promis "d’agir avec toute la force" si l'Iran s’en prenait aux bases américaines dans la région.

Les analystes soulignent que les bombardiers américains B-2, dont les bombes peuvent perforer le sol jusqu’à 100 mètres de profondeur, sont nécessaires pour atteindre les installations nucléaires iraniennes du site de fordo, enfouies à 80 mètres sous terre. Une chose reste certaine, cette guerre ne pourra pas se terminer par un statu quo, un renvoi des belligérants dos à dos. Une nation doit s’incliner. Pour les Israéliens, le programme nucléaire iranien doit être démantelé par la force car il ne pourra jamais l’être par des négociations. L’Iran de ce côté maintient que l'accès à la technologie nucléaire est un droit auquel elle ne va jamais renoncer, mais affirme que ce n’est pas pour acquérir la bombe. C’est un moment de vérité pour les deux pays.

L’Iran s’est déclaré prêt à cesser de lancer ses missiles si Israël arrête ses bombardements. Selon plusieurs médias, l'Iran veut négocier et s'active fiévreusement auprès des nations arabes qui ont de bons rapports avec Washington. Le pays est clairement sur la défensive, toute chose qui peut conforter le premier ministre Israélien dans sa posture, lui qui a affirmé ces derniers temps que le moment est venu de frapper car le régime iranien est suffisamment "proche" de la bombe atomique. Il a aussi affirmé que l'Iran était "faible", affirmation qui est aujourd'hui démentie par les faits. Côté bilan humain, le lundi 16 Juin, quelque 224 morts sont dénombrés officiellement du côté itranien, mais les ONG parlent de plus de 600 tués. Du côté israélien on dénombre environ 24 tués depuis le début des hostilités. Ce même lundi, l'Iran menace Israël de la plus " vaste et dévastatrice attaque jamais menée sur son sol", tandis qu'Israël déclare ouvertement cibler le dirigeant iranien Ali Khamenei, guide suprême de la révolution iranienne. L'heure est grave au moyen orient.

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Vers une implication directe des Etats-Unis ?

Après cinq jours d’un affrontement total entre Israël et l’Iran, les analystes sont unanimes. Si l’armée israélienne possède supériorité dans les airs, elle n’est pas en mesure de remporter une victoire "décisive" à court terme. Les rampes de lancement des missiles iraniens sont mobiles, et il est illusoire de penser qu’elle pourra les détruire toutes. De même, il est illusoire de croire que le « dôme de fer » sera efficace à 100 % contre ces missiles. Ce qui signifie que l’Iran sera en mesure de continuer ses frappes dévastatrices, bien sur dans la limite de ses stocks de missiles.

Ainsi sans une évaluation correcte de ce stock, on ne peut faire aucune projection sur le temps pendant lequel l’Iran peut "tenir" dans cette guerre. Le lundi 16, au quatrième jour du conflit, les gardiens de la Révolution ont menacé Israël de l’attaque " la plus vaste et la plus dévastatrice jamais menée sur son sol ", ils ont avancé un chiffre, promettant de lancer " 2 000 " missiles sur Israël. Ce même soir Donald Trump a précipitamment quitté le sommet du G7 au Canada pour rentrer d’urgence à Washington où selon la presse il a immédiatement réuni ses principaux conseillers militaires. Personne n’a fait le lien, mais c’est bien cette adresse des gardiens de la révolution qui l’a incité à écourter sa participation au G7.

Mardi 17, le président Américain a d'abord exigé une capitulation sans conditions de l'Iran dans un message en lettres capitales sur son réseau social. " Les Etats-Unis savent exactement où se cache le soi-disant guide suprême iranien, mais ne comptent pas l'éliminer du moins pour l'instant '' a-t-il ajouté. '' Notre patience arrive à bout '' a-t-il poursuivi. ''Nous contrôlons complètement et totalement l'espace aérien iranien'', il a terminé par ce tweet qui pour certains prouvent l'implication des Etats-Unis aux côtés d'Israël depuis le début des hostilités.

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C’est clair aujourd’hui, les Américains se rendent compte qu’Israël seul ne peut amener l’Iran à capituler. Les installations nucléaires iraniennes de fordo, enfouies à 100 mètres sous terre, sont hors de portée de l’aviation israélienne. Seuls les Etats-Unis ont la capacité de les atteindre grâce à leurs bombardiers B-2. La décision semble sur le point d'être prise par le président Trump. Mais cela suffira-t-il à amener l'Iran à déposer les armes sans conditions ? L'aviation seule n' a jamais gagné aucune guerre. Sans engagements terrestres de la part des Etats-Unis, il sera bien difficile de faire totalement plier l'Iran. Et il est hautement improbable que les Etats-Unis se risquent à engager des troupes terrestres en Iran.

C'est dire que bien que l'Iran soit en position de faiblesse, et en dépit d'un engagement certain des Américains dans ce conflit, les deux objectifs que s'est fixé Israël à savoir l'arrêt du programme nucléaire, et la chute du régime, seront difficiles à atteindre. Les autorités israéliennes ont-elles suffisamment cerné les contours de cette opération avant de la lancer ? Après cinq jours d'affrontement, et face au traumatisme causés par les ravages des missiles iraniens, cette question commence à faire son chemin dans les esprits en Israël.

Douglas Mountain
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Le Cercle des Réflexions Libérales

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Crise israelo-palestinienne

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