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Opinion / Affi N’Guessan, Simone Gbagbo, Blé Goudé : quel poids en termes d’électorat ? (Douglas Mountain)

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Le 31 Mai dernier, s’est tenu à la place Ficgayo de Yopougon le vaste meeting de l’opposition tant attendu. Premier constat, le PPA-CI de l’ex-président n’y était pas. Pourtant le meeting avait été annoncé comme une démonstration de force de l’opposition ivoirienne toutes tendances confondues. La conclusion est que l’opposition ivoirienne reste aujourd’hui divisée. Certes les revendications se rejoignent, mais pas les troupes. Le PPA-CI compte lancer une campagne de terrain contre l’exclusion de son leader de la liste électorale. Pas certain que la coalition CAP s’y associe. Ainsi derrière les revendications communes (dialogue politique, nouvelle révision de la liste électorale, inscription des noms des leaders de l’opposition sur cette liste, refus d’une candidature du président Ouattara etc…..), derrière ces slogans, il y a bien une bataille à distance qui se joue entre Thiam et l’ex-président Gbagbo Laurent, pour le leadership de l’opposition,

Lors de ce meeting Tidjane Thiam s’est exprimé par visioconférence. Mais c’est surtout Simone Gbagbo, Affi N’Guessan et Blé Goudé Charles, qui ont été les véritables têtes d’affiche. Ce meeting leur a donné l'occasion de se faire entendre, d'entretenir leur présence médiatique, de montrer qu’il faut compter avec eux dans le débat politique. Pourtant leur poids en termes d’électeurs est une question qui se pose.

Après sa rupture d’avec le président Gbagbo à qui il avait refusé de céder le FPI en Octobre 2021, Affi N’Guessan avait organisé un meeting pour montrer qu’il n’avait pas hérité d'une "enveloppe vide». Il avait réussi le pari de la mobilisation au parc des sports d’Abidjan, et semblait jouer à égalité avec son ancien mentor, qui peu de temps avant, avait organisé le congrès fondateur du PPA-CI, son nouveau parti. Mais lors des municipales et régionales qui ont suivi en 2023, sa débâcle fut totale. Son parti n’a pu faire élire personne, lui-même fut battu aux Régionales dans le Moronou, qui était pourtant vu comme son fief. Le FPI n'a aujourd’hui aucun élu.

Lorsqu’elle lançait son parti, le Mouvement des Générations Capables (MGC) en 2022, l’ex-première Dame Simone Gbagbo avait aussi réussi le pari de la mobilisation au Parc des Sports d’Abidjan. Des milliers de femmes avaient répondu à son appel. Pourtant lors des municipales et régionales de 2023, ce parti ne fut présent dans aucune circonscription. Tout au plus, a-t-il soutenu certains candidats à Abidjan. Dame Simone Gbagbo n’a même pas osé se présenter chez elle à Bonoua, anticipant sans doute une défaite qui aurait été catastrophique pour son image.

Quant à Blé Goudé Charles, il fait énormément de bruit, mais le raisonnement s’applique aussi à lui. Il est capable de mobiliser des foules c’est certain, mais cela peut-il se traduire forcément dans les urnes ? Mobiliser la rue est une chose, amener les électeurs à voter pour soi en est une autre. On peut se déplacer pour écouter un homme politique très en vue. Mais se décider à voter pour lui c'est tout autre chose.

L’espace politique reste verrouillé par les trois grandes formations que l’on connaît, Les lignes sont cristallisées, et "l’électorat flottant" reste marginal. Il est quasiment impossible pour un leader politique de se constituer au niveau national, un électorat significatif en dehors des trois grands partis. L'ex-préfet Vincent Toh BI, aujourd'hui candidat déclaré à la présidentielle, dit avoir identifié sur la liste électorale, quelques 04 millions d'électeurs qui voteront pour la première fois en 2025. Il prétend pouvoir capter ce "vivier électoral". En fait ces personnes (certainement des jeunes) n'ont peut-être jamais voté, mais restent conditionnées par l'environnement, tout comme un enfant sera, jusqu'à un certain âge, conditionné par la religion de ses parents. Ainsi selon toute logique, ce "vivier" va se répartir essentiellement entre les trois grands partis.

Le FPI d’Affi N’Guessan, le MGC de dame Simone Gbagbo, et le COJEP de Charles Blé Goudé, sont membres de la Coalition CAP-CI (Coalition pour l’Alternance Pacifique en Côte d’Ivoire), dont le poids lourd reste le PDCI . A l’instar des virus qui ne peuvent pas survivre par eux-mêmes et qui sont obligés de se loger dans une cellule afin de maintenir leurs fonctions vitales, ces partis pour exister ont besoin de se fondre dans un parti fort qui a une l’audience électorale nationale (en l’occurrence ici le PDCI). Ils se sont émancipés de l’ex-président Gbagbo, mais se sont dans le même temps privés du cadre qui leur permettait de peser sur l’échiquier politique. Il n'y a pas eu de transferts de militants du parti de l’ex-président vers les formations qu’ils ont créées. Ils se retrouvent avec certes des partisans, mais sans réel électorat.

Au sein de la Coalition CAP, ils profitent de l’étoile de Thiam, car ils sont incapables de briller par eux-mêmes. Apportent-ils une valeur ajoutée à celui-ci ? Pas nécessairement. Il faut noter qu’Affi était en "association" avec le parti au pouvoir, un attelage qui n’a rien donné parce qu’il ne pèse pas grand-chose, électoralement. Ne pouvant plus retourner vers son ancien mentor, ni vers le parti au pouvoir, la seule issue pour lui, à l'instar de Simone Gbagbo et Blé Goudé, était de s'allier à Thiam. Ces personnalités ont eu leur heure de gloire lorsque l’ex-président Gbagbo dirigeait le pays. Pourront-elles rebondir ?

Personne n'est medium pour prédire l’avenir, mais il semble qu’elles soient vouées à connaître le sort de Mamadou Koulibaly. Président du parlement ivoirien de 2001 à 2010, l'homme était une personnalité de premier plan. Il a cessé de peser sur la vie politique dès le moment où il a créé sa formation. Sans électorat, il a erré pendant une dizaine d’années avant d’annoncer sa "retraite politique" en Avril dernier. On peut aussi mentionner Laurent Dona Fologo, Fofana Zemogo,....etc..qui avaient une voie qui portait au niveau national. Mais dès lors qu’ils se sont émancipés pour créer leur formation, ils se sont retrouvés sans électorat, et ont fini par "s’éteindre politiquement". Jean Louis Billon connaîtra le même sort s'il s'avise à créer sa formation politique. Personne ne fera plus attention à lui.

Simone Gbagbo, Affi N’Guessan et Blé Goudé ont une existence politique essentiellement médiatique, ce sont des "étoiles mortes", n’étant plus en état de briller. Il n’est pas sûr que Thiam ait fait une bonne affaire en intégrant cette coalition CAP dont ces personnalités sont les têtes d’affiche. A moins qu’un gouvernement de transition ne soit mis en place suite à une situation exceptionnelle, où qu’ils ne retournent d’où ils sont venus politiquement, il leur sera bien difficile d’avoir de nouveau un avenir politique dans ce pays.

Douglas Mountain
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Le Cercle des Réflexions Libérales

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