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Des partenariats pour assurer la sécurité de l’eau en investissant dans la nature

Innondation climat
Partout dans le monde, il est devenu impossible d’ignorer les effets du changement climatique. Les cas de sécheresse accrue, de tempêtes plus intenses et de modification du régime des précipitations sont devenus courants. Ces changements mettent en péril la sécurité de l’eau au niveau mondial. Selon les Nations unies, environ 4 milliards de personnes, soit près des deux tiers de la population mondiale, connaissent déjà une grave pénurie d’eau pendant au moins un mois de l’année, et les entreprises classent systématiquement le risque lié à l’eau au premier rang de leurs préoccupations, selon une enquête publiée chaque année par le Forum économique mondial.

Assurer la sécurité de l’eau – en d’autres mots, l’accès à l’eau – est une question prioritaire pour les dirigeants des secteurs public et privé du monde entier. Cependant, la manière d’y parvenir fait actuellement l’objet d’un débat. The Nature Conservancy (TNC) a formulé une stratégie précise, qui consiste à investir dans la nature pour contribuer à relever ce défi. Si les infrastructures traditionnelles dites « grises » ont été et resteront un élément essentiel de la gestion mondiale de l’eau, il faut investir beaucoup plus dans les infrastructures vertes. En effet, celles-ci sont souples, rentables et résilientes. Elles peuvent aussi présenter une multitude d’avantages pour la nature et créer des emplois verts locaux. Investir dans la nature pour renforcer la résilience des bassins versants peut à la fois bénéficier aux personnes les plus exposées aux effets du changement climatique et profiter aux entreprises. Nous devons donc donner la priorité à ces investissements en vue d’atteindre l’objectif de 2050.

Fonds pour l’eau : exploiter le pouvoir de la nature pour assurer la sécurité de l’eau
TNC s’efforce depuis plus de deux décennies de démontrer comment les investissements dans la nature peuvent permettre à ceux qui en ont le plus besoin d’avoir accès à une eau consommable. L’un des principaux objectifs jusqu’à présent a été la création de fonds pour l’eau ― des mécanismes d’action collective spécialement conçus pour promouvoir les pratiques de conservation en amont afin d’obtenir des avantages mesurables en aval en termes de qualité et de quantité d’eau. Ces structures permettent aux parties prenantes de surmonter des difficultés telles que la fragmentation de la gouvernance et le manque de coordination. Elles les aident à investir à grande échelle dans des solutions fondées sur la nature (SFN) telles que la reforestation, la restauration des habitats et les pratiques agricoles durables.

Créer le changement à l’échelle d’un bassin hydrographique nécessite l’implication de nombreuses parties prenantes. Les communautés locales, les pouvoirs publics et le secteur privé doivent travailler en étroite collaboration pour définir des approches et des objectifs communs. Les fonds pour l’eau sont conçus pour faciliter cette collaboration. Depuis la création du premier fonds pour l’eau à Quito, en Équateur, au début des années 2000 pour restaurer et protéger le páramo (de grandes zones humides dans les Andes qui agissent comme une éponge et régulent les flux d’eau), TNC a travaillé avec des partenaires du monde entier pour soutenir la création de 44 fonds pour l’eau, de l’Amérique du Sud à l’Europe, en passant par les États-Unis, l’Afrique et la région Asie-Pacifique.

Le rôle du secteur privé
Pour être efficaces, les fonds pour l’eau nécessitent un chef de file local, qui est généralement une ville ou un service public. Mais pour ces parties prenantes, qui ont longtemps considéré les infrastructures traditionnelles grises comme la seule solution, investir dans la nature représente souvent un changement de paradigme – obtenir leur adhésion peut être un véritable défi. Le secteur privé a un rôle décisif à jouer lors de cette phase initiale. Des entreprises, qui cherchaient à sécuriser leur accès à l’eau dans leurs centres de production, ont par exemple pu apporter un premier financement essentiel qui a permis de lancer de nouveaux fonds pour l’eau. Elles ont compris que travailler au niveau d’une seule installation de production (comme une usine d’embouteillage) ne suffit pas à changer de manière significative des systèmes complexes et qu’il est indispensable d’investir dans la mise en place de coalitions élargies pour être durablement efficaces. Ce point est essentiel, car la plupart des investissements dans la nature doivent être maintenus dans le temps pour avoir un impact.

Début 2018, par exemple, la ville du Cap, en Afrique du Sud, a été confrontée à une sécheresse prolongée qui a conduit la ville de 4 millions d’habitants à envisager la coupure de l’approvisionnement en eau. Si Le Cap a échappé au pire de justesse, grâce à l’arrivée des pluies d’hiver et à l’eau pompée dans une région voisine, la crise a fait réagir tout le monde. TNC et ses partenaires locaux ont mis en évidence l’intérêt d’investir dans la nature en montrant par exemple que l’élimination des plantes envahissantes gourmandes en eau dans la partie supérieure du bassin versant, de manière ciblée et durable, permettrait d’économiser 55 milliards de litres d’eau par an, soit l’équivalent de deux mois d’approvisionnement en eau de la ville au cours des six premières années du programme. L’analyse a également démontré que ce gain pourrait être fait à 1/10e du coût des solutions d’infrastructures grises envisagées par la ville. Mais il n’a pas été facile de faire accepter cette idée et de mobiliser des fonds pour sa mise en œuvre. Les premiers engagements du secteur privé ont fait la différence, car ils ont créé l’élan nécessaire pour prouver l’efficacité du plan et favoriser l’investissement public de long terme. Un investissement initial de 100 000 dollars par une entreprise en 2017 a permis de mobiliser près de 3 millions de dollars de soutiens privés et a ensuite débouché, à ce jour, sur un investissement de 4 millions de dollars pour la ville. Le projet est maintenant en place, pour un gain annuel estimé à 100 milliards de litres d’eau en 30 ans.

Une expérience similaire s’est déroulée à Sao Paulo, au Brésil, où TNC travaille avec des agriculteurs et d’autres propriétaires terriens pour restaurer des forêts afin de résoudre les problèmes locaux de qualité de l’eau et lutter contre le changement climatique. Environ 1,1 million de tonnes de carbone sont stockées dans les forêts situées dans le périmètre géographique du fonds pour l’eau de Sao Paulo et 45 000 tonnes supplémentaires de carbone sont capturées chaque année sur les sites locaux de restauration et de préservation. Une fois de plus, ce sont les premiers investissements de six entreprises qui ont permis de générer l’élan nécessaire au lancement de ce programme. Depuis, plus de 18 entreprises se sont engagées à verser près de 6 millions de dollars, ce qui a permis de mobiliser plus de 16 millions de dollars jusqu’à présent auprès de quatre nouvelles sources de financement public. Ensemble, ce soutien a aidé TNC et ses partenaires à restaurer, préserver et mettre en œuvre les meilleures pratiques d’utilisation des terres sur 25000 acres.

Passer à l’échelle supérieure, ensemble
Toutefois, le rythme actuel de développement des fonds pour l’eau ne sera pas suffisant pour répondre aux défis de la sécurité de l’eau, qui ne cessent de croître chaque jour. Pour étendre notre action, nous devons rapidement équiper les acteurs (comme les institutions financières de développement et les entreprises) et lever les obstacles à la mise en place de programmes d’investissement dans les bassins versants. Pour cela, TNC et ses partenaires ont développé une gamme complète d’outils, de programmes de formation et de services d’assistance technique pour aider les acteurs à comprendre les avantages d’investir dans les solutions fondées sur la nature pour la sécurité de l’eau.

Des outils comme WaterProof, par exemple, aident les partenaires à évaluer si les SFN sont des options viables pour leur bassin versant, en fournissant une estimation du retour sur investissement. L’utilisation de cet outil peut permettre d’économiser un temps et un argent précieux en évaluant les options dès les premières étapes du développement du projet. Pour favoriser les investissements privés dans les solutions fondées sur la nature, il faut que les entreprises connaissent précisément les avantages de ces solutions (quantité et qualité de l’eau, carbone/climat, socio-économie, biodiversité et environnement, bénéfices économiques et financiers attendus). Cette constatation a conduit à la création d’un outil (« NBS Benefits Explorer ») permettant d’explorer les avantages des solutions fondées sur la nature pour une entreprise et une activité donnée.

Conjointement avec le Conseil mondial de l’eau, TNC a soutenu la préparation d’un Guide de l’investisseur. Celui-ci identifie six domaines d’investissement ou secteurs d’activité où les solutions fondées sur la nature sont particulièrement utiles pour la sécurité de l’eau et duplicables – comme la mise en place de zones humides et l’adoption des meilleures pratiques agricoles. Ces outils, ainsi que des décennies d’expérience sur le terrain, sont facilement accessibles dans la boîte à outils des fonds pour l’eau de TNC. TNC aide également ses partenaires par le biais de formations sur mesure, y compris pour les entreprises dont les chaînes de valeur se déploient à l’international et pour les institutions de financement du développement qui souhaitent augmenter leurs investissements dans des solutions fondées sur la nature en tant que projets d’infrastructure indépendants et combinés « vert-gris ». Plus de 1 000 personnes ont été formées jusqu’à présent.

Pour aider les partenaires à passer de la théorie à la pratique, le dispositif Nature pour l’eau (« Nature for Water Facility ») a récemment été créé sous la forme d’une coentreprise entre TNC et Pegasys, une société de conseil. Ce dispositif fournit une assistance technique de premier ordre aux développeurs de projets qui cherchent à inclure des infrastructures vertes et des solutions fondées sur la nature dans le développement de programmes d’investissement concernant les bassins versants. Cela peut être fait bénévolement pour des projets sélectionnés à la suite d’appels à propositions périodiques, ou sur la base d’une rémunération à l’acte.

Prochaines étapes : un appel à l’action
Pour les êtres humains et la nature, la réussite de ces travaux est cruciale. Mais la bonne nouvelle est qu’une stratégie précise et des outils associés ont été développés pour y parvenir. Le secteur privé a un rôle unique et important à jouer dans le déploiement de solutions fondées sur la nature. À l’avenir, nous devons tous nous efforcer d’évaluer nos forces respectives et nous engager à travailler ensemble, à continuer à investir dans les SFN et à soutenir le développement de nouveaux outils, ressources et technologies qui nous ferons avancer. Le changement climatique n’attendra pas. Mettons-nous au travail.

Naabia Ofosu-Amaah, Conseillère principale aux entreprises pour l’eau The Nature Conservancy

Sophie Trémolet, Directrice Sécurité de l’eau (Europe) The Nature Conservancy

Au Sénégal, restaurer les flux naturels et gérer la demande en eau
Depuis 2019, TNC travaille en partenariat avec l’Agence française de développement (AFD) pour concevoir et mettre en œuvre des programmes de sécurité de l’eau en ayant recours à des solutions fondées sur la nature au Sénégal et au Kenya, et pour dispenser des formations destinées aux représentants des gouvernements de ces pays et au personnel de l’AFD qui préparent les projets d’investissement. Au Sénégal, ce projet conjoint vise à remédier à la détérioration rapide des réserves aquifères de Pout, une ressource essentielle pour l’approvisionnement en eau de Dakar. Dans le cadre de ce travail, l’AFD a accordé une subvention de 6 millions d’euros au gouvernement du Sénégal afin de mettre en place des mécanismes de gouvernance pour améliorer la gestion et le partage des ressources en eau, et pour investir dans des solutions fondées sur la nature, notamment en matière d’amélioration des pratiques agricoles et de réhabilitation des éléments naturels de rétention d’eau. Cet investissement de départ conduira à l’établissement d’un « contrat d’aquifère », qui pourrait attirer des investissements privés venant de sociétés dont l’activité dépend de ces ressources, selon le modèle des fonds pour l’eau (notamment les usines d’embouteillage, l’agro-industrie, les cimenteries et l’aéroport voisin).

 

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