Jean-Louis Billon, un autre Djéni Kobina au Pdci ?
La scène politique ivoirienne est en effervescence à l'approche des élections générales de 2025. Une autre figure au sein du Pdci-RDA, Jean-Louis Billon, attire particulièrement l'attention depuis le décès du président Henri Konan Bédié. En dépit de la prise du gouvernail du vieux parti par Tidjane Thiam, la posture, les discours et les actes de Jean-Louis Billion rappellent à certains observateurs comme l'éminent journaliste Joël Ettien la trajectoire d'un certain Djéni Kobina Georges, ancien cadre du Pdci, qui, en 1994, après des divergences avec la direction du parti, a été à l'origine de la création du Rassemblement des Républicains (RDR).
Le parallèle entre Jean-Louis Billon et Djéni Kobina Georges est tentant. Mais est-il justifié ? Nous explorerons en quoi Jean-Louis Billon peut être perçu comme un autre Djéni Kobina, tout en soulignant les différences marquantes entre ces deux figures de la vie politique ivoirienne.
Jean-Louis Billon n'est pas Djéni Kobina Georges
Le contexte politique différent
Djéni Kobina Georges, ex-adjoint au maire de Cocody en 1990, a évolué dans un contexte où la scène politique ivoirienne était marquée par la transition du parti unique au multipartisme. En revanche, Jean-Louis Billon, homme d'affaires très prospère, évolue dans un paysage politique déjà multipartite, avec un Pdci qui a déjà connu plusieurs scissions et crises. L'action de Jean-Louis Billon s’inscrit dans une contestation plus économique et organisationnelle du leadership du Pdci, alors que l'action du tribun Djéni Kobina en 1994 a été motivée par des considérations profondément idéologiques et politiques.
Le poids symbolique
Le Fama Djéni Kobina, figure charismatique et intellectuelle respectée, fut l'un des piliers du mouvement de démocratisation de la Côte d'Ivoire. Son départ du Pdci a donné naissance au RDR, un parti qui allait marquer la politique ivoirienne. Jean-Louis Billon, bien que figure importante dans le milieu des affaires et politiques, n'a pas encore atteint ce statut symbolique de «faiseur de parti».
Djéni Kobina a su fédérer autour de lui une coalition de mécontents et d’exclus du Pdci, créant une alternative politique. Jean-Louis Billon, de son côté, semble encore isolé au sein de son parti, malgré ses ambitions.
L’absence d’un projet politique clair
Le syndicaliste Djéni Kobina avait un projet clair à savoir refonder la politique ivoirienne en proposant une nouvelle alternative à travers le RDR. Il faisait partie de la mouvance des rénovateurs. Billon, quant à lui, bien que critique à l'égard de certaines pratiques du Pdci, n'a pas encore formulé un projet politique distinct et fédérateur. Ses critiques perçues comme des revendications individuelles ou isolées ne sont pas encore articulées en une alternative politique crédible et mobilisatrice susceptible de faire basculer les masses populaires.
À l’instar de Georges Djéni Kobina Kouamé, hué au congrès du Pdci-RDA en 1994 suite au décès de Félix Houphouët-Boigny alors qu'il ne demandait qu'à prendre la parole, Jean-Louis Billon se trouve de plus en plus isolé au sein du Vieux parti. Ses positions critiques face à Tidjane Thiam, sa prise de parole sur les enjeux économiques et son désir de renouveler le leadership du parti créent un fossé avec les instances de son parti. Billon est perçu, comme ''un loup dans la bergerie'' pour employer une expression chère aux cadres du Pdci-RDA. Le refus de s’aligner sur la ligne officielle du parti rappelle les tensions qui ont conduit à la rupture entre les rénovateurs conduits par Djéni Kobina et le Pdci d'Henri Konan Bédié.
Un potentiel de mobilisation
Jean-Louis Billon possède un potentiel de mobilisation économique et sociale qui pourrait, à terme, se traduire en capital politique. À l'image de Djéni Kobina, Billon, avec ses entreprises et son réseau d'influence, peut réussir à fédérer autour de lui une base électorale, notamment dans sa région de Dabakala et au-delà. Son rôle dans l’emploi de milliers d’Ivoiriens, environ 36.000 employés, apprend-on, sur place à Abidjan, fait de lui une figure économique puissante. S'il est poussé à bout, il peut faire mouche comme roi ou faiseur de roi à l'image de Djéni.
L'orgueil blessé et la révolte latente
Jean-Louis Billon, tout comme Djéni Kobina Georges semble de plus en plus guidé par une forme d’orgueil blessé. Se sentant exclu ou marginalisé par les instances du Pdci, il pourrait décider de ne plus suivre la ligne du parti. Ce rejet et cette marginalisation pourraient le pousser, comme Djéni, à emprunter un chemin de rupture, voire à envisager la création d’une nouvelle structure politique ou d'un instrument de conquête du pouvoir.
Si le parallèle entre Jean-Louis Billon et Djéni Kobina Georges peut sembler pertinent sur certains points, il est essentiel de reconnaître que Billon évolue dans un contexte politique différent, et que ses motivations et ambitions ne sont pas encore aussi clairement définies que celles de Djéni, en son temps.
Il appartient désormais à Jean-Louis Billon de définir son propre chemin, qu’il soit celui d’une révolte interne ou d’une alternative politique plus radicale.
Alla Kouamé
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