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Histoire militaire : Comment l'Etat-major des forces armées ivoiriennes quitta Grand-Lahou pour Abidjan

 Bouaké

Dans le cadre d’une conférence scientifique, organisée à l'université de Ouattara de Bouaké le 26 octobre 2024, Dr Traoré Siaka, historien militaire de l'université Alassane Ouattara, a analysé les raisons ayant conduit au transfert, en 1910, de l’État-major des troupes coloniales de Grand-Lahou à Abidjan. Cette décision, d’après lui, s’est inscrite dans un programme triennal complexe, motivé par des impératifs économiques, logistiques et politiques. Depuis 1910, l'Etat-major n'a plus quitté les bords de la lagune Ebrié même après l'indépendance de la Côte d'Ivoire en 1960 et le transfert de la capitale à Yamoussoukro en 1983.
Les origines de l’État-major des troupes coloniales en Côte d'Ivoire remontent à 1891, avec l’installation de la douane à Grand-Lahou, à l’embouchure du Bandama. Pour faire face aux éventuelles révoltes, un cantonnement de tirailleurs sénégalais s’installe dès 1892. «En 1894, dans le cadre de la colonne de Kong, un corps expéditionnaire de 1200 soldats, venu des quatre coins de l’empire, débarque en Côte d’Ivoire pour rallier Satama et combattre Samory», explique Dr Traoré. Ce déploiement établit alors Grand-Lahou comme la «base des opérations principales, la porte des communications avec l’intérieur de la colonie». En 1895, cette localité devient officiellement le poste du Commandant militaire de la colonie, abritant aussi des chefs de corps tels que l’artillerie coloniale, le génie et l’intendance militaire.
Cependant, le transfert vers Abidjan, selon Dr Traoré, visait plusieurs objectifs stratégiques pour les autorités militaires et politiques. En premier lieu, il s’agissait de réaliser des économies de temps et d’argent. «Pour rejoindre les postes militaires de l’intérieur, en partant de Grand-Lahou, les troupes mettaient 9 jours pour atteindre Kodiokofi (actuel Didiévi)», précise-t-il. Grâce à la nouvelle voie ferrée, ce trajet se réduit à 6 jours seulement.
Outre les gains de mobilité, l’amélioration des conditions de vie des soldats fut un autre facteur déterminant. « À Grand-Lahou, le logement du Commandant militaire se résumait à un baraquement en bois, toiture en rouille, cloisonnement en bois ; tandis qu’à Abidjan, des bâtisses modernes avec toutes les commodités étaient prévues», souligne l’historien. La relocalisation de l’État-major visait également à rapprocher l’autorité militaire de l’autorité politique, alors basée à Bingerville.
Le coût total de ce transfert, estimé à 415 000 francs, fut supporté par des fonds d’emprunt. Dr Traoré conclut son analyse en montrant combien ce changement géographique a marqué un tournant stratégique dans l’organisation militaire coloniale en Côte d'Ivoire, posant les jalons de l'armée moderne ivoirienne.

Alla Kouamé

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