Interview/ Fatoumata Diawara (artiste malienne): "Il ne faut pas sous-estimer la musique"
La chanteuse et actrice malienne, Fatoumata Diawara, entre deux concerts à travers le monde, est revenue au Mali pour un projet consacré à la protection des albinos et des droits des enfants vivant avec un handicap dénommé «CHILDREN». Elle s’est fait accompagner par une dizaine d’artistes et de comédiens maliens avec le soutien de l'Unicef Mali pour restituer le concert caritatif en préparation depuis quelques mois. Fatoumata Diawara évoque les objectifs de ce projet. Entretien.
Fatoumata, on te sait très engagée depuis le début de ta carrière dans plusieurs combats et la lutte contre fléaux comme l’excision, la scolarisation des jeunes filles, etc. Pourquoi avoir choisi les enfants pour ce projet et quels en sont les objectifs concrètement ?
Ce projet que j'appelle «CHILDREN», parle des enfants en général. C'est un projet qui consiste à rassembler tous les enfants dans le monde, qu'ils soient handicapés ou non handicapés tout simplement. Ces enfants avec leurs différences, avec leurs faiblesses et leurs innocences. On a tous en nous un enfant, on est tous passés par l'enfance pour être aujourd’hui des grands. Donc nous avons cet enfant-là qu'on oublie en nous, et parfois c'est bien de faire appel à ces enfants et de ne pas les oublier. Et moi sur scène, je défends beaucoup les enfants, je parle beaucoup des enfants car ils sont l'avenir: l'avenir de l'Afrique, l'avenir de l'humanité. Donc leur éducation est très importante parce que je suis une femme et je crie haut et fort souvent sur scène en leur nom pour qu'ils soient entendus. Donc ce projet «CHILDREN», nous sommes en partenariat avec l'UNICEF Mali qui m'a contactée pour la journée des enfants le 20 novembre à Bamako. Je me suis dit, ok, je me produis souvent en Europe, et là c'était la première fois pour moi, de vraiment apporter mon soutien à mon continent, mais physiquement, d'être présente. La plupart du temps, j'apporte mon soutien mais de loin, en Europe, aux États-Unis, partout dans le monde entier, mais je suis rarement sur le continent. Donc j'ai accepté le projet parce que c'était l'opportunité pour moi effectivement de retourner au bercail.
Est-ce que tu penses que la musique est un instrument pour faire passer des messages? Car sur le projet, au-delà de ta notoriété, tu as invité plusieurs autres artistes du Mali. Dans quel but ?
Je me suis dit aussi que la jeunesse a besoin de moi. Ils ont besoin de mon soutien. Et cette jeunesse qui m'a toujours vue depuis, lors de mes passages dans les publicités au Mali, de mes films, court-métrage, long-métrage, dont le film «Sia Yattabaré» qui est rentré dans l'histoire, on va dire. Il est clair que cette jeunesse, elle a besoin de moi. Mais comment je pourrais faire pour être proche d'elle? Donc je me suis dit, à travers ce projet de l'UNICEF, je vais essayer de rassembler, de combiner les deux sujets.
Le sujet est d'apporter mon soutien à la nouvelle génération musicale malienne, que vous allez apercevoir dans ces clips. Il y a au moins une quinzaine d'artistes à qui j'ai fait appel. Ce qui est une deuxième fois pour moi parce que j'avais déjà fait un projet similaire pour le Mali, enfin au Mali, je veux dire, en 2012, quand le Mali était sous l'emprise des terroristes au nord. C'était le début du conflit dans le nord du Mali.
Pour ce projet cette fois-ci, c’est avec la nouvelle génération, les nouveeaux opus de la musique malienne, ceux qui ont creé leur voie, leur façon de chanter, qui n'est pas du tout comme nous on exerce la musique mais c'est la continuité de ce que nos ancêtres ont commencé. Moi j'ai fait ma part, eux ils sont en train de faire leur part, même si nos langages ne sont pas les mêmes, nous restons tous les mêmes héritiers des mêmes héritages. Je me suis dit que je vais gagner beaucoup. Ce sont les futurs de la musique malienne. Donc cette fois-ci, après MaliKo, je me suis dit, je vais aller faire appel à toute cette génération pour se porter garant au nom de tous les enfants dans le monde, notamment les enfants handicapés, qui sont parfois oubliés et souvent pas du tout aimés et pas considérés.
Fatou, tu es tout le temps en tournée. Après la présentation de ce projet le 20 novembre, quelles seront les autres actions qui seront menées pour atteindre tes objectifs dans la durée?
Ce projet montre aussi à quel point je suis suivie à travers le monde lors de mes concerts. Et qu' il y a une jeunesse qui me suit et qui respecte ce que je fais et qui adhère à mes actions. ça, c'est très très important pour moi. Donc je suis très ravie de clôturer ma grosse tournée cette année avec ce magnifique projet et qui a vraiment du sens pour moi car je me suis toujours battue sur scène au nom des enfants, au nom des femmes, contre l'injustice, face à toutes les violences faites aux femmes. C'est la continuité de ce que j'ai déjà entamé depuis la base de mon combat, depuis le début de ma carrière.
Comme je le dis souvent dans mes propos, je suis une survivante de plusieurs fléaux. Maintenant je suis devenue un oiseau qui continue à voler et qui ne veut plus s'arrêter pour sauver sa liberté. Sa liberté d'expression, sa liberté mentale, physique, d'esprit, c’est très important pour moi. Donc j'espère que le projet plaira, par la suite, je vais essayer de faire appel à d'autres artistes en Afrique pour être la voix des sans voix, être la voix de tous ces enfants dans le monde, handicapés, car ils ont besoin de nous.
Peut-on dire que ce projet te rapproche de plus belle du continent car toute ta carrière est basée à l‘extérieur? Verra-t-on constamment Fatoumata Diawara en prestations en Afrique ?
Je tiens à remercier l'UNICEF d'avoir pensé à moi et à toutes les associations qui nous ont accordé leur présence, leur engagement, leur amour, leur respect pour que ce projet puisse être réalisé. Ainsi que tous les artistes maliens et tous les artistes africains qui vont venir par la suite car c'est que le début d'un combat. C'est le début d'un voyage qui, pour moi, ne va jamais finir, en fait. Ce sera un projet parallèle au projet de Fatoumata Diawara que je vais essayer de continuer à travers l'UNICEF. Que le combat puisse continuer pour tous les enfants dans le monde en tant que mère, en tant que femme, en tant qu'enfant, frère, en tant que soeur de ce monde.
Donc j'aimerais continuer le combat à travers la chanson, car c'est la seule arme que j'ai pour me faire entendre et pour faire le changement dans le monde entier. La musique est forte pour ça, elle est très importante pour ça. Car elle peut aussi participer au changement d'une société ou même participer aussi au changement dans le monde entier. Nous sommes des acteurs fondamentaux, nous faisons partie du combat.
Nous faisons partie de l'énergie universelle, l'énergie qu'il y a dans le monde entier. Donc chaque acte que nous posons, tout ce que nous disons a beaucoup d'impact sur l'humanité, en fait. Il ne faut pas sous-estimer la musique, elle est plus que tout ce qu'on peut pas imaginer.
On verra ensuite ce que ça va donner. J'espère que ce sera le début d’une ouverture pour revenir de plus belle sur mon continent, pour jouer, partager mes émotions, mon combat avec mon continent. Je remercie tout le monde pour la confiance.
D'après une correspondance particulière de Touré Mory
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