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Forum de haut niveau sur la résolution de la dette du Zimbabwe: le plaidoyer du président Akinwumi Adesina (Groupe de la Banque africaine de développement)

akinwumi adesina
Discours de M. Akinwumi A. Adesina, président du Groupe de la Banque africaine de développement, au Forum de haut niveau sur la résolution de la dette du Zimbabwe, 15 mai 2023, Harare, Zimbabwe


(PROTOCOLES)

Excellences,

C’est un plaisir de tous vous retrouver ! Nous sommes réunis aujourd’hui pour le peuple du Zimbabwe. Nous nous réunissons pour l’avenir du Zimbabwe. Nous nous réunissons parce que nous croyons en un avenir meilleur pour la jeunesse du Zimbabwe. Nous nous réunissons parce que nous sommes des partenaires porteurs d’espoir pour une nation qui en a désespérément besoin. Nous nous réunissons pour apporter de l’espoir au présent, pour changer les réalités du peuple du Zimbabwe.

Nous nous réunissons pour faciliter l’avènement d’un Zimbabwe revitalisé et dynamique, capable de stimuler une meilleure intégration économique et une plus grande prospérité pour le développement de l’ensemble de la région de l’Afrique australe. Un Zimbabwe revitalisé est bon pour l’Afrique. Un Zimbabwe revitalisé est bon pour le monde.

Je tiens à vous remercier, Excellence, Monsieur le président Mnangagwa, de votre détermination à résoudre les problèmes historiques bien connus qui ont conduit à l’imposition de sanctions économiques au Zimbabwe. Oui, c’est la bonne chose à faire, car deux décennies de sanctions ont compromis la qualité de vie du peuple du Zimbabwe.

Les sanctions économiques enfoncent le Zimbabwe dans une dette insoutenable. La dette elle-même n’est pas aussi débilitante que les arriérés de paiement, qui empêchent le pays d’accéder à des financements concessionnels internationaux ou à d’autres sources de revenus ou de financement moins onéreuses pour rembourser ses obligations. Sur les 5,7 milliards de dollars de dette bilatérale, 69 % sont dus à des arriérés. De même, sur les 2,6 milliards de dollars de dette multilatérale, 91 % représentent des arriérés. Les arriérés sont désormais la nouvelle dette du Zimbabwe. Le passé nuit au présent et à l’avenir du Zimbabwe.

En ma qualité de président de la Banque africaine de développement, je suis très préoccupé par la dette, et plus encore par l’accumulation de dettes résultant d’arriérés dont on ne voit pas la fin. Le Zimbabwe ne peut pas gravir la colline de la reprise économique en portant un sac de dettes sur le dos. Il est temps de procéder à un apurement complet des arriérés et de résoudre le problème de la dette du Zimbabwe. Mais cela ne sera pas une promenade de santé. Nous devons faire face à l’histoire, pour faire l’histoire.

Je suis honoré que vous m’ayez demandé, Monsieur le Président, d’être le champion de l’apurement des arriérés et de la résolution de la dette du Zimbabwe. Avec Son Excellence le président Chissano, facilitateur des dialogues de haut niveau, nous avons travaillé en étroite collaboration avec vous, le gouvernement du Zimbabwe, les partenaires au développement, le secteur privé et la société civile pour trouver des pistes de solution en vue de la normalisation de l’engagement économique et financier du Zimbabwe auprès de la communauté internationale.

La meilleure façon de résoudre un problème est de dialoguer.

Écouter toutes les voix, respecter toutes les voix, et le faire de manière transparente en s’engageant à réduire les différences et les divergences et à parvenir à un consensus sur les actions concrètes à mettre en œuvre. Des actions élaborées à partir de la base et que le gouvernement s’approprie.

Des actions qui serviront les intérêts du peuple du Zimbabwe. Des actions mesurables par toutes les parties, afin que les progrès puissent être vérifiés et évalués de manière exhaustive. Des actions qui permettront d’apaiser le passé et de rouvrir la voie à un avenir nouveau et plus radieux pour le Zimbabwe. Le peuple du Zimbabwe a suffisamment souffert. Il est temps d’agir pour résoudre les problèmes du passé et ouvrir la voie à l’avenir.

Après la première plateforme de dialogue sur le « Processus d’apurement des arriérés et de résolution de la dette du Zimbabwe », le 1er décembre 2022, nous nous sommes réunis ici, à Harare, le 23 février 2023, pour le deuxième dialogue de haut niveau. Nous avons été rejoints par Son Excellence le président Mnangagwa, ce qui démontre clairement qu’il soutient fermement ce processus.

Depuis lors, deux autres dialogues de haut niveau se sont tenus sur les plans du Zimbabwe visant à apurer ses arriérés et à résoudre les obligations de sa dette à l’égard de ses créanciers. Au cours des 18 derniers mois, nous avons institutionnalisé une plateforme pour un dialogue régulier, constructif et ouvert, qui est essentiel pour instaurer la confiance entre toutes les parties prenantes.

Les enjeux ne sont pas seulement économiques ou financiers. Ils concernent également la gouvernance, l’État de droit, les droits de l’homme, la liberté d’expression, l’égalité des chances sur le plan politique, les réformes électorales qui garantiront des élections libres et équitables, ainsi que l’équité et la justice pour les agriculteurs commerciaux et les autres entreprises qui ont été dépossédés de leurs terres et pour lesquels il existe un besoin évident de restitution et d’indemnisation. Il s’agira également d’améliorer l’environnement général des affaires afin d’attirer davantage d’investissements privés, conformément à ce que vous avez déclaré, Monsieur le Président : « Le Zimbabwe est ouvert aux affaires. »

Les trois groupes de travail sectoriels (économie, gouvernance, réformes foncières, indemnisation au titre de l’Acte d’indemnisation globale et des Accords bilatéraux de promotion et de protection des investissements) ont examiné ces questions de manière approfondie au cours des quatre derniers dialogues de haut niveau.

Le gouvernement s’est engagé très fermement et de manière mesurable à réformer sa politique économique et budgétaire. La mission du FMI au titre de l’article IV menée en décembre 2022 a été couronnée de succès et approuvée par le Conseil d’administration du FMI.

Le gouvernement a pris la décision d’éliminer les taux de change multiples, d’introduire un marché d’enchères de devises amélioré, de transférer l’encours de la dette de la Banque de réserve du Zimbabwe au Trésor pour une plus grande transparence et éviter les financements hors budget ; et de mettre fin aux activités quasi budgétaires de la Banque de réserve du Zimbabwe.

Il a également décidé de mettre fin aux subventions et de réformer les entreprises publiques. En outre, la création d’un comité de gestion des liquidités est une mesure proactive qui favorisera une coordination efficace entre les politiques budgétaire et monétaire. La décision de s’engager dans un programme de référence du FMI (SMP de son acronyme anglais pour Staff Monitored Program) est excellente et rassurante pour les créanciers, les partenaires au développement et les institutions financières multilatérales et bilatérales, et elle permettra d’assurer la mise en œuvre des réformes engagées.

Les réformes les plus difficiles et les plus sensibles sont celles qui concernent la gouvernance.

Je tiens à féliciter les groupes de travail sectoriels et les dialogues de haut niveau d’avoir identifié six domaines critiques dans lesquels des réformes devraient être mises en œuvre : réformes du secteur judiciaire, transparence et responsabilisation du secteur public, lutte contre la corruption, promotion des droits de l’homme, réformes électorales, et unité nationale, paix et réconciliation.

Je trouve encourageant que les partenaires au développement aient travaillé en étroite collaboration avec le gouvernement pour identifier et sélectionner des indicateurs acceptables à l’échelle mondiale afin de mesurer les progrès réalisés en matière de réformes de la gouvernance. Cela montre une fois encore combien les dialogues structurés de haut niveau, transparents et inclusifs, contribuent à instaurer la confiance mutuelle, la cocréation et la responsabilité mutuelle en matière de progrès.

En ce qui concerne les réformes agraires et l’indemnisation, des accords ont été conclus au sein du groupe de travail sectoriel et du dialogue de haut niveau sur la décision du gouvernement de verser 3,5 milliards de dollars aux anciens agriculteurs commerciaux dans le cadre de l’Acte d’indemnisation globale, et d’accélérer la mise en œuvre des Accords bilatéraux de promotion et de protection des investissements (BIPPA).

Comme je l’ai mentionné lors du deuxième dialogue de haut niveau et dans mes discussions avec Son Excellence le président Mnangagwa, les partenaires au développement et les autres créanciers, il est important que nous trouvions un mécanisme pour essayer d’accélérer et de concentrer en amont le paiement de ces indemnisations.

L’espoir différé engendre la lassitude.

Des retards supplémentaires dans le versement des indemnités pourraient éroder la confiance. Donc, le temps compte, la réactivité compte et la viabilité financière compte. Nous devons faire preuve d’un plus grand sens de l’urgence sur cette question. C’est pourquoi la Banque africaine de développement travaille actuellement avec le gouvernement du Zimbabwe pour développer des structures et des instruments financiers novateurs qui pourront être utilisés pour mobiliser en amont les 3,5 milliards de dollars d’indemnisations. J’encourage les partenaires au développement à travailler ensemble sur cette proposition de structure qui peut aider à tirer parti des marchés de capitaux pour financer les compensations sans endettement supplémentaire pour le Zimbabwe.

Le gouvernement a également pris la décision de mettre à disposition des titres fonciers pour renforcer la sécurité des terres agricoles commerciales, et ce pour des baux de 99 ans qui sont également commercialement viables, bancables et transférables.

Excellences, Mesdames et Messieurs,

Le gouvernement du Zimbabwe est clairement et sincèrement très engagé. Il est déterminé à prendre des décisions difficiles pour faire avancer ce processus. Les partenaires au développement et les créanciers sont véritablement très engagés et ont participé de manière très positive et proactive à ces dialogues. Nous savons ce qui doit être fait. Le défi consiste maintenant à le faire, et à le faire rapidement, et à s’assurer qu’il existe des indicateurs mesurables pour évaluer la direction et le rythme des progrès. Nous devons à présent accélérer la mise en œuvre sur le terrain. Transformons les matrices en matérialité. Transformons la détermination en résultats.

Mais les actions auront des effets, et nous devons protéger les gens. Nous appelons donc de nos vœux et soutenons fermement la mise en place d’un programme financé par le FMI et contrôlé par ses services, afin d’atténuer l’impact que ces réformes difficiles auront sur la population.

Le succès des efforts que nous avons tous déployés dans ce processus dépendra de la tournure que prendront les prochaines élections présidentielles. Je tiens à vous féliciter, Monsieur le Président, pour votre engagement ferme et vos déclarations selon lesquelles les élections seront libres et équitables.

Le peuple du Zimbabwe et la communauté internationale suivront la situation de très près. La force du réengagement avec la communauté internationale en dépendra. Cela ne dépendra pas seulement de l’élection, mais de l’ensemble du processus électoral qui garantira une élection crédible.

Nous devons veiller à ce que des progrès concrets et mesurables soient réalisés en ce qui concerne la Loi sur la démocratie et la reprise économique au Zimbabwe (ZIDERA), qui est essentielle pour le réengagement avec les États-Unis. Nous devons faire tout ce qui est en notre pouvoir pour remplir pleinement toutes les conditions imposées par le ZIDERA, de sorte que les progrès vérifiables réalisés puissent être utilisés pour soutenir le plaidoyer en faveur de la levée des sanctions imposées par le Congrès américain au titre du ZIDERA.

La visite que le président Chissano et moi-même avons effectuée aux États-Unis la semaine dernière pour rencontrer des responsables du Congrès américain, du département du Trésor, du département d’État et d’autres agences américaines a clairement montré que ce dialogue de haut niveau bénéficie d’un soutien et que l’on espère qu’il se traduira par des progrès concrets et mesurables sur le terrain, qui permettront d’envisager la levée des sanctions imposées par le ZIDERA.

Excellences, Mesdames et Messieurs,

Depuis deux décennies que le Zimbabwe est soumis à des sanctions, ce dialogue structuré de haut niveau est le processus le plus complet et le plus concret qui ait été mis en place pour tracer une voie collective vers l’avenir pour le Zimbabwe. Le président est impliqué. Les ministres sont impliqués. L’ensemble du gouvernement est impliqué. Les partenaires au développement sont impliqués. La société civile est impliquée. Les agriculteurs concernés sont impliqués. Et les créanciers sont impliqués.

Oui, le chemin sera peut-être encore long, oui, il y aura peut-être encore quelques difficultés, mais nous marchons ensemble et nous travaillons ensemble - gouvernement, partenaires au développement, société civile, secteur privé et créanciers.

Les ponts de confiance brisés sont en train d’être reconstruits. La confiance se rétablit progressivement. Nous apercevons le bout du tunnel, et nous pouvons l’atteindre ensemble. C’est une opportunité qu’il ne faut pas laisser passer. Ce qui compte maintenant, c’est la responsabilité. Le succès des réformes politiques et électorales, ainsi que la tenue d’élections libres et équitables sont essentiels pour ouvrir la voie à l’apurement des arriérés et à la résolution de la dette du Zimbabwe. Cela apportera de l’espoir au présent pour le Zimbabwe.

Cela marquera un nouveau départ. Un nouveau départ pour un Zimbabwe plus pacifique, plus dynamique économiquement et plus prospère. Un nouveau départ pour un Zimbabwe libéré de sa dette. Un Zimbabwe qui fonctionne pour tous les Zimbabwéens. Le Zimbabwe ne doit pas échouer. Et nous non plus !

Que Dieu bénisse et aide le Zimbabwe.

Je vous remercie.

 

Source: Banque africaine de développement

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