Partenariat mondial de l’eau: Le traité ne sera pas une « solution miracle » pour régler le problème de la pollution plastique, selon Chatham House
Ce document de travail conclut que le traité constituera un mécanisme important pour améliorer la gouvernance mondiale du plastique, mais que son effet pourrait s’avérer limité s’agissant de résoudre les problèmes de la pollution plastique si l’on ne remédie pas au manque de données fiables, d’incitations économiques, d’infrastructures et de modèles de calcul des coûts.
Stockholm – 1er juin – Les efforts visant à lutter contre la pollution plastique souffrent encore d’un manque de coordination, sont entravés par les déficits de données et sont axés sur les solutions en aval, notamment des opérations de nettoyage très gourmandes en ressources, alors qu’il vaudrait mieux investir dans des politiques ayant fait leurs preuves, la gestion des déchets et les infrastructures de recyclage. Telle est la conclusion d’un document de travail élaboré par Chatham House et le Partenariat mondial de l’eau.
Le document, intitulé Why lifecycle solutions are needed to tackle marine plastic pollution (« Pourquoi nous avons besoin de solutions tenant compte du cycle de vie pour lutter contre la pollution plastique marine »), affirme que le problème complexe de la pollution plastique dont le coût se chiffre à 100 milliards de dollars par an ne montre aucun signe d’affaiblissement. Cependant, des politiques ayant fait leurs preuves adoptées dans l’Union européenne (UE), au Japon et au Chili peuvent servir de point de départ pour les pays qui cherchent à réduire la pollution plastique et fournir une base de référence pour les négociations relatives au traité contre la pollution plastique.
Selon le document de travail, la solution la plus rentable, si elle est correctement conçue, consiste à introduire un ensemble de mesures en amont et en aval, allant d’exigences de conception des produits et d’interdictions ciblées à des régimes de responsabilité élargie du producteur.
Dans l’UE, qui est à l’avant-garde de la lutte contre la pollution plastique, la directive-cadre relative aux déchets et la directive relative aux emballages fixent des objectifs de recyclage et des exigences de conception circulaire concernant les emballages plastiques depuis plus de dix ans, et ont joué un rôle crucial dans la réduction des rejets de plastique dans l’environnement.
À l’autre bout du monde, au Chili, la loi de 2018 sur les plastiques fixe des objectifs en vue d’éliminer les plastiques à usage unique problématiques. Par exemple, un tiers des emballages plastiques ménagers et non ménagers doivent être recyclés, réutilisés ou compostés, et 25 pour cent des contenants en plastique doivent être fabriqués à partir de matières recyclées.
Il existe donc des solutions efficaces en matière de politique publique, mais les pays doivent impérativement revoir leurs ambitions à la hausse s’agissant d’investir dans les infrastructures, les nouvelles technologies et le renforcement des capacités, en particulier aux Philippines, en Inde et en Malaisie, où l’on trouve les taux les plus élevés de pollution plastique fluviale.
Nettoyages
Le document de travail porte également un regard critique sur les opérations de nettoyage en aval menées par les pouvoirs publics, l’industrie et la société civile qui, en plus de ne pas être coordonnées et de coûter cher, ne s’attaquent pas à la source de la pollution plastique et ont un effet négligeable sur la quantité totale de déchets plastiques dans l’environnement.
« Il est difficile de couvrir les coûts des opérations de nettoyage des débris en mer et sur les côtes. Par exemple, il faut compter environ 8 900 dollars pour enlever une tonne de plastique sur les plages de l’atoll d’Aldabra. Sachant que ces plages abriteraient 513 tonnes de plastique, cette approche coûterait plus de 4,5 millions de dollars des États-Unis, ce qui la rend clairement hors de prix, » a indiqué le Dr Patrick Schröder, chercheur principal chez Chatham House.
« Bien que les opérations collectives de nettoyage des plages soient un bon moyen de sensibiliser le public à la pollution marine, on ferait mieux d’investir les fonds disponibles dans la gestion des déchets, étant donné que 2 milliards de personnes ne bénéficient toujours pas de services de collecte des déchets », a-t-il ajouté.
Données sur les plastiques
Si l’on veut une action publique efficace et fondée sur des données probantes pour lutter contre la pollution plastique, on a besoin de données fiables et ventilées sur les flux commerciaux transfrontières tout au long du cycle de vie des plastiques.
« Dans de nombreux pays à revenu faible et intermédiaire, on manque de données élémentaires sur les systèmes nationaux de gestion des déchets, y compris les taux de collecte, les importations et les exportations de plastiques, et l’accès à des installations de recyclage adéquates, ainsi que de données sur les déchets non recyclés par type de traitement, dont l’élimination, l’incinération et la mise en décharge », a indiqué le Dr Jack Barrie, chercheur pour le programme Environnement et société chez Chatham House.
« Les données économiques sur les prix des matières collectées de manière informelle, les salaires et les revenus des travailleurs sont également rares, alors qu’elles sont importantes pour l’inclusion et la formalisation », a-t-il ajouté.
Sur une note plus positive, le document de travail relève qu’il existe de nombreuses nouvelles applications numériques pour suivre les plastiques, de leur conception à leur fin de vie. Par exemple, on peut utiliser la télédétection et l’imagerie satellite pour repérer les zones de pollution plastique et suivre la circulation des déchets plastiques dans les cours d’eau et les océans.
On peut utiliser des applications mobiles telles que Debris Tracker pour collecter des données sur les déchets plastiques de manière collaborative, et la Blockchain sert également à suivre la circulation des déchets plastiques tout au long de la chaîne d’approvisionnement.
Limites possibles du traité contre la pollution plastique
Le document de travail prétend que, même si le traité contre la pollution plastique, qui vise à s’attaquer à la pollution plastique sur l’ensemble du cycle de vie, constituera un mécanisme important pour améliorer la gouvernance mondiale du plastique, une issue « dans le style de l’Accord de Paris » ne serait pas à la hauteur des enjeux, si l’on se réfère à l’expérience des négociations climatiques.
« Le traité ne pourra peut-être pas résoudre tous les problèmes de la pollution plastique, auquel cas les gouvernements nationaux devront toujours réaliser le plus gros des efforts. Le manque de données fiables et l’absence d’harmonisation des incitations économiques, des infrastructures et des modèles de calcul des coûts limitent ses effets possibles. Les instruments fondés sur le marché peuvent contribuer à y remédier, mais il faut adopter une approche globale », a indiqué Niamh Brannigan, directrice des communications au Partenariat mondial de l’eau.
Le traité joue également un rôle pour harmoniser les règles du jeu en faveur de solutions plus circulaires et pour s’attaquer aux incitations économiques existantes qui encouragent la pollution plastique. Le système actuel n’est pas prévu pour une économie circulaire du plastique et les incitations, les infrastructures et les modèles de calcul des coûts ne sont pas harmonisés.
Le document de travail formule les recommandations suivantes :
Réduire la demande de produits plastiques inutiles ou néfastes au moyen de taxes, d’interdictions ou d’un retrait des subventions, entre autres.
Encourager une conception circulaire au moyen d’approches telles qu’une teneur obligatoire en matières recyclées, des régimes modulaires de responsabilité élargie du producteur et des normes de conception écologique.
Améliorer les taux de recyclage, par exemple en introduisant des systèmes de consigne, des taxes de mise en décharge et des modèles de collecte fondés sur le tri et le principe pollueur-payeur.
Fermer les voies de déversement dans les zones sensibles définies en améliorant les systèmes de collecte, notamment en soutenant le secteur informel.
La pollution plastique marine représente une crise mondiale qui nécessite une action urgente de la part des décideurs, dans les secteurs aussi bien public que privé. Il est essentiel d’adopter une approche tenant compte du cycle de vie en matière de production et de consommation du plastique, de se concentrer sur des solutions rentables et de créer un programme politique ambitieux qui cible les pays ayant des points de fuite et un fort potentiel de réduction.
Communiqué de presse worldmediawire.com
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