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Guerre en Ukraine : Bakhmout, une victoire symbolique pour la Russie

Guerre Ukraine


Une partie des défenseurs ukrainiens se sont repliés à l’ouest de la ville minière de Bakhmout, dévastée par les bombardements et les combats. Il n’y reste que quelques milliers d’habitants.

Moscou est à deux doigts d’enfin tenir une victoire, pour le moins amère, dans le Donbass ! Depuis la contre-offensive des Ukrainiens, à l’automne, qui a permis la libération de territoires à l’est de Kharkiv et au sud autour de Kherson, les forces russes ne connaissaient guère de succès. Voilà qu’elles ont réussi à faire reculer les défenseurs ukrainiens qui, tout en tenant encore le centre-ville, ont commencé à abandonner, ce vendredi, un champ de ruines.


Précédemment, les Russes avaient fait porter leurs efforts d’abord sur la zone de Sievierodonetsk et Lyssytchansk, deux agglomérations capturées en juin 2022, puis sur Bakhmout, un peu plus au sud.

Une ville sans importance stratégique
Cette ville minière de 72 000 habitants, dans l’oblast de Donetsk, est devenue, à partir de juillet, l’objectif numéro 1 des forces armées russes et des combattants de la société militaire privée (SMP) russe Wagner.

Pourtant, la ville n’a guère d’importance stratégique ; sa capture pourrait tout au plus, et seulement en cas d’effondrement des Ukrainiens sur cette partie du front, ouvrir la voie vers Kramatorsk, la grande ville industrielle plus à l’ouest. Bakhmout n’est qu’une pièce du puzzle. Sa chute ne signifie rien si les autres points tiennent ​, estime ainsi l’analyste et rédacteur en chef de DSI Joseph Henrotin.
Malgré tout, la bataille de Bakhmout a gagné en intensité, surtout à partir de décembre lorsque les avant-gardes russes ont pris position dans les hameaux de la périphérie, aux termes de très coûteux combats et d’une gabegie de munitions d’artillerie.
Bataille de positions dignes de la Première guerre mondiale et théâtre d’intenses duels d’artillerie, la bataille de Bakhmout s’est avérée très meurtrières pour les deux camps. Dès le 3 décembre, Serhii Cherevatyi, porte-parole du commandement opérationnel Est, décrivait le front de Bakhmout comme le secteur le plus sanglant, le plus cruel et le plus brutal […] de la guerre russo-ukrainienne jusqu’à présent ​.

Quels sont les enjeux ?
D’abord, il y a un enjeu militaire. Le Kremlin n’a pas caché, après ses déboires des premiers mois de la guerre, que son objectif était la capture des deux oblasts du Donbass (Donetsk et Lougansk). D’où les moyens exceptionnels redéployés sur cette portion du front. Même si leurs gains territoriaux restent limités, les Russes visent avant tout un affaiblissement notable des capacités militaires ukrainiennes. Même équipés et soutenus par les Occidentaux, ces derniers connaissent des difficultés à tenir le front du Donbass, surtout depuis janvier et de nouvelles attaques russes au nord (secteur de Koupiansk) et au sud (secteur de Vuhledar) de Bakhmout.

Ensuite, « c’est un vrai symbole, tant pour les Ukrainiens que pour les Russes ​, estime Thibault Fouillet, de la Fondation pour la Recherche Stratégique (FRS). Un symbole de la résistance ukrainienne : on se souviendra que le président Zelensky a exalté les défenseurs de la forteresse Bakhmout ​en décembre. Un symbole, en outre, de la revanche pour les Russes dont la fameuse opération spéciale ​a souvent démontré les faiblesses des chefs militaires et l’inefficacité de certaines troupes et qui couraient depuis des mois après une victoire.

« Enfin, Bakhmout, c’est aussi tout un symbole pour le patron de la SMP Wagner, Evgueni Prigojine, qui en a quasiment fait un combat personnel. Quitte à très médiatiquement reconnaître son rôle de créateur de Wagner et des fermes à trolls russes spécialisés dans la cyber-déstabilisation. Quitte à étaler au grand jour ses divergences avec l’état-major russe. Quitte à revendiquer à titre personnel la gloire d’une victoire qui n’est aucunement décisive et que les livres d’histoire ne retiendront probablement pas.
« Prigojine est désormais un acteur de la scène russe, très visible ​, estime la chercheuse russe Tatiana Stanovaya du centre R.Politik. Avec la guerre en Ukraine, il a gagné l’attention du public, et il aime ça ​.

Et maintenant ?
La bataille de Bakhmout a absorbé des ressources humaines et matérielles massives ​, estime le général australien Mick Ryan, chercheur associé au CSIS (Center for strategic and international studies).

Effectivement, les pertes en hommes et en matériel ont été dramatiques. D’où la nécessité d’une pause stratégique qui va s’imposer. Les deux camps ont besoin de temps pour renforcer les unités étrillées, recompléter leurs stocks de munitions, percevoir de nouveaux équipements et déterminer quelle stratégie mettre en œuvre.

Moscou ne devrait pas toutefois décider de s’arrêter de façon trop prolongée. L’ordre pourrait être donné de poursuivre l’effort vers Kramatorsk mais également dans le nord-est vers Koupiansk et Izioum. Comme l’écrivait fort justement, l’analyste Michel Goya, la stratégie actuelle, que l’on pourrait rebaptiser Anaconda si cet animal existait dans ces latitudes, est celle de la pression sur l’Ukraine et ses alliés dans tous les domaines jusqu’à ce que ça craque quelque(s) part(s) ».

A défaut de réussir avec une illusoire politique d’anéantissement des forces ukrainiennes, l’armée russe pourrait choisir de combiner deux postures : l’une d’attrition/usure en multi-harcelant les forces ukrainiennes, l’autre de défense en s’enterrant profondément pour éviter d’être remise en déroute par une nouvelle contre-offensive victorieuse des Ukrainiens. Ces derniers seront bien, un jour, équipés des Leopard, Stryker, AMX-10 RC que leur ont promis leurs alliés.

Ouest-France
 

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