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Gbêkê : Quand le Pdci perd du terrain face au Rhdp

 billon et thiam

Le paysage politique de la région du Gbêkê, autrefois bastion incontesté du Parti démocratique de Côte d'Ivoire (Pdci), est en pleine mutation. Le Rassemblement des houphouëtistes pour la démocratie et la paix (Rhdp), parti unifié né de la coalition de plusieurs formations politiques, dont le Rassemblement des Républicains (RDR), l’Union pour la démocratie et la paix en Côte d'Ivoire (Udpci), le Mouvement des forces d'avenir (MFA) et l'Union pour la Côte d'Ivoire (Upci), s’impose désormais de manière incontestable dans cette région stratégique de la Côte d’Ivoire.

Le déclin du Pdci dans la région de Gbêkê n’est pas un fait nouveau. Déjà en 1994, Djéni Kobinan, premier secrétaire général du RDR et figure emblématique du parti, prophétisait : «Nous allons réduire le Pdci-RDA à l’état de vestiges au nord et de répliques au sud.»
Depuis lors, cette prédiction semble se concrétiser progressivement. Après le décès de Djéni Kobinan en 1998 et l’accession d’Alassane Ouattara à la présidence du RDR le 1er août 1999, puis plus tard à la présidence de la République en 2011, le RDR a su prendre racine dans les fiefs traditionnels du Pdci, notamment dans la région du Gbêkê.

En effet, la défaite du vieux parti dans la commune de Bouaké en 2001 face au RDR, avec l’élection de Fanny Ibrahima, a marqué le début de l’érosion de son emprise politique. Cette défaite symbolique face à un parti considéré à l’époque comme outsider a été exacerbée par des querelles internes entre les cadres locaux du parti sexagénaire, notamment entre le ministre Jean-Claude Kouassi, le maire Konan Konan Denis et le ministre Joël N'Guessan.

Aux élections législatives de 2011, le RDR va s’imposer en remportant les quatre sièges disponibles dans la commune de Bouaké. En 2013, c’est la commune de Bouaké qui bascule définitivement dans le camp du parti d’Alassane Ouattara avec l'élection de Djibo Youssouf Nicolas, un cadre du Pdci qui a rejoint peu avant 2010 le RDR. Le scrutin municipal de 2018 et celui de 2023 ont confirmé cette tendance, le Rhdp s'imposant dans des localités comme Botro, Brobo, Béoumi, et Bodokro, où le Pdci-RDA avait, jusqu'à récemment, une position prépondérante.

Avec des transfuges comme Yao Kouassi Maurice (Botro), Louis Kouakou-Habonouan dit Empirus (Brobo), Jean Marc Kouassi ( Béoumi) et Atse Alice ( Bodokro), le Rhdp a fait du progrès. Aux législatives, le parti au pouvoir, outre la commune de Bouaké a conquis avec Assahoré Konan Jacques le siège de Diabo-Languibonou qui a un fort électorat. Après le décès du député de Bodokro, Attoumgbre Jules remportera haut la main pour le compte du Rhdp le siège face à Mangoua Jacques du Pdci-RDA.

Depuis 2020, la situation semble s’être encore aggravée pour le parti présidé par Tidjane Thiam. Le départ de plusieurs cadres influents vers le Rhdp a fragilisé la position du «vieux parti» dans le Gbêkê. Des personnalités telles que Jean-Claude Kouassi, ancien ministre et actuel gouverneur du district autonome de la Vallée du Bandama, le maire de Béoumi Jean Marc Kouassi, l'ex-maire de Botro Yao Kouassi Maurice dit Akpole Kouadio, le directeur de cabinet du vice-président, le ministre Ahoutou Kouadio Emmanuel, et les sénateurs Alyket Norbert (Sakassou ) et Jean Kouassi Abonouan ( Diabo) ont quitté les rangs du parti doyen pour rejoindre le Rhdp. Ces départs successifs ont privé le parti de ses leaders historiques capables de mobiliser la base militante.

La perte récente de la région du Gbêkê, autrefois sous le contrôle de Mangoua Jacques du Pdci-RDA aujourd'hui décédé, au profit d’Assahoré Konan Jacques, candidat du Rhdp, lors des élections régionales de 2023, a porté un coup de grâce à l’influence du Pdci-RDA. Aujourd’hui, le parti fondé par Félix Houphouët-Boigny semble relégué au second plan dans une région où il faisait autrefois la loi. Le décès subit d'Henri Konan Bédié le 1er août 2023 à Abidjan n'a fait qu'empirer la situation. Les divisions internes ayant suivi sa succession ont davantage tourné mal.
La stratégie du Rhdp, visant à phagocyter l’électorat traditionnel du Pdci-RDA dans le Centre du pays, s’est avérée payante. En unifiant les forces de plusieurs partis et en captant les cadres déçus ou marginalisés du Pdci-RDA, le Rhdp a su capitaliser sur les divisions internes du vieux parti. Les alliances formées sous la houlette d’Alassane Ouattara ont contribué à asseoir le Rhdp comme la nouvelle force politique dominante dans le Gbêkê.

Cependant, le Pdci-RDA ne s’avoue pas vaincu. Sous la direction de Tidjane Thiam qui a succédé à Henri Konan Bédié, le parti espère rebondir et récupérer une partie de son influence perdue. Mais le chemin s’annonce semé d’embûches. Depuis son arrivée à la tête du vieux parti, Tidjane Thiam n'a effectué aucune visite dans le Gbêkê pour essayer de redynamiser son parti en perte de vitesse dans la localité. La disparition de figures emblématiques telles que l'ex-délégué N’Guessan Lambert, le vieux Konan N'sikan et le retrait progressif d’Allou Konan, surnommé «le vieux lion », ou de l'ex-délégué Kouamé Kra Joseph ou encore de l'ex-délégué Yoboue Lazare laissent un vide difficile à combler.

À l’aube des prochaines élections, la question qui se pose est de savoir si le Pdci-RDA, qui a choisi de faire cavalier seul depuis son retrait du Rhdp en 2018, pourra retrouver son lustre d’antan. Pour l’instant, la dynamique semble bien en faveur du Rhdp, qui continue de grignoter du terrain, gagnant peu à peu des localités longtemps considérées comme des bastions imprenables du Pdci. Le seul hic au niveau du parti au pouvoir, le Rhdp, demeure la division de ses cadres locaux. En effet, la mésentente entre les frères ennemis Assahoré Konan Jacques et Amadou Koné reste la plaie à panser. En cas de guérison, le Pdci aura fort a faire pour se retrouver. Surtout que Tidjane Thiam a du mal à s'entendre avec Jean-Louis Billon, un fils de la vallée du Bandama.

En effet, pour aller de l'avant, le défi pour le Pdci-RDA sera de réorganiser ses troupes et de proposer une nouvelle offre politique susceptible de séduire un électorat de plus en plus acquis aux idéaux du Rhdp. Sinon, comme le prédisait Djéni Kobinan, il risque de se réduire à l’état de «vestige» dans cette région cruciale de la Côte d’Ivoire.

Alla Kouamé

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