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Gabon: le sort incertain du président déchu Ali Bongo et de sa famille

 Gabon Ali Bongo

Depuis le putsch qui a mis fin à 55 ans de dynastie Bongo au Gabon, le président déchu Ali Bongo, son épouse Sylvia et son fils Noureddin ont disparu de la scène publique et leur sort reste incertain.

Âgé de 65 ans, l'ancien dirigeant est resté depuis le coup d'État du 30 août 2023 dans sa résidence privée de Libreville, "libre de quitter le pays" selon le gouvernement, "privé de liberté et de contact avec l'extérieur", selon François Zimeray, son avocat en France.

L'ancienne première dame, 61 ans, et son fils de 32 ans sont toujours détenus à "Sans Famille", la prison centrale de Libreville, dans des conditions dénoncées par leurs avocats.

Le nouveau pouvoir, incarné par le général Brice Oligui Nguema, les accuse d'avoir massivement détourné des fonds publics, truqué les dernières élections et "manipulé" un chef d'État affaibli depuis 2018 par les séquelles d'un grave accident vasculaire cérébral (AVC), dirigeant de facto le pays.

Les images de l'arrestation de Noureddin Bongo restent parmi les plus marquantes du coup d'État. La nuit du putsch, le fils du président et plusieurs de ses proches avaient été filmés entourés d'innombrables malles débordant de billets de banque saisies à leurs domiciles. D'abord placée en résidence surveillée, sa mère l'a rejoint en prison après son inculpation.

Cadre légal
Depuis, le CTRI, le gouvernement de transition du général Oligui, n'a partagé que de maigres informations sur l'état des détenus les plus célèbres du pays ou sur l'avancée de l'enquête.

De quoi alimenter les rumeurs: certains journaux ont titré sur leur détention dans une villa secrète ou sur des "permissions de sorties" en fin d'année dernière pour des fêtes en famille, sans jamais susciter de réactions du pouvoir.

Gisèle Eyue Bekale, avocate gabonaise de la famille, a confié à l'AFP avoir pu rencontrer les deux détenus "trois fois en un an chez le juge d'instruction", seules occasions d'échange.

"Mes clients m'ont rapporté que tous leurs biens ont été saisis et transférés, même ceux acquis avant 2009", année de l'accession au pouvoir d'Ali Bongo après le décès de son père, affirme-t-elle.

Pour l'avocate, les conditions de détention du fils Bongo sont "préoccupantes": "La dernière fois que je l'ai vu, il m'informait qu'il était en isolement, complètement enfermé", sans "droit à la promenade ni accès à son avocat". Sylvia Bongo, elle, "ne reçoit aucune visite et n'a pas non plus droit au téléphone comme tous les prisonniers".

"Depuis le 30 août 2023, ils n'ont reçu aucune visite de leur famille", dit-elle, pointant une situation "contraire aux droits de toutes les personnes détenues dans une prison".

François Zimeray, avocat français d'Ali, Sylvia et Noureddin Bongo, tous binationaux franco-gabonais, dénonce auprès de l'AFP une année où la mère et le fils "ont été séquestrés en dehors de tout cadre légal, soumis à la torture et aux mauvais traitements, en violation de toutes les règles".

Après une première plainte classée sans suite en octobre 2023, les avocats français ont déposé en mai dernier à Paris une plainte avec constitution de partie civile pour "arrestation illégale" et "séquestration aggravée par des actes de tortures et de barbarie".

Des "dénonciations calomnieuses et mensongères", selon Laurence Ndong, porte-parole du gouvernement gabonais.

"Le gouvernement tient à affirmer avec force qu'ils ne subissent aucune forme de torture ou de mauvais traitement comme énoncé par leurs avocats", avait-elle déclaré en mai à la télévision d'État, soulignant que l'ex-première dame et son fils étaient "inculpés pour des faits d'une extrême gravité", Noureddin notamment pour "corruption" et "détournements de fonds publics", et Sylvia pour "blanchiment de capitaux, recel, faux et usage de faux".

"Soif de justice"
Portée par une "volonté de justice", Joanna Boussamba, porte-parole de l'organisation de société civile Copil citoyen, s'inquiète du "manque de visibilité sur la situation de l'enquête et la perspective du procès".

"On n'en parle quasiment plus. C'est comme si c'était devenu un sujet tabou. Dans ces conditions, on peut s'attendre au pire, et découvrir dans six mois qu'en réalité, ils sont tous dehors", s'alarme-t-elle auprès de l'AFP. "Les Gabonais attendent que justice soit rendue, qu'ils remboursent l'argent qu'ils ont volé, que cet argent reparte dans les caisses de l'État, qu'ils soient jugés, condamnés et purgent leur peine".

"Nous avons tous soif de justice", s'exclame en écho Ponce Melchior Nomamina, rencontré par l'AFP dans un quartier populaire de Libreville.

"Apparemment, ce sont des délinquants, ceux qui étaient au pouvoir avant ont mal utilisé leur position et les biens dont ils étaient responsables: pour moi ils doivent être punis", s'insurge ce photographe de 28 ans.

Pour l'avocate Gisèle Eyue Bekale, "compte tenu de la dimension politique de ce dossier, les perspectives d'une libération ne dépendent ni de l'avocat ni du juge".

AFP

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