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Editorial / Ukraine : Zelensky rejette la médiation africaine, Poutine justifie son opération spéciale

Mission afric

La mission africaine de médiation dans le conflit Ukrainien a rencontré des fortunes diverses sur le terrain. Les quatre chefs d’États africains et trois représentants en mission de bons offices pour obtenir l'arrêt des hostilités entre la Russie et l'Ukraine se sont effectivement rendus à Kiev et Saint-Pétersbourg le week-end dernier.


Le vendredi 16 juin 2023, à Kiev, la mission africaine de médiation n'a obtenu aucune avancée dans le sens de la paix. En effet, le porte-parole du président Zelensky a estimé qu’elle n’en avait « pas le niveau » ! Ce faisant, il oubliait sans doute que le ministre ukrainien des affaires étrangères vient de sillonner le continent en quête du soutien de l’Afrique…

A l’issue de l’audience, face à la presse, le chef de l'Etat Sénégalais, Macky Sall, a fait le résumé suivant : « Nous sommes venus surtout écouter et nous avons entendu le président Zelensky. Et demain, nous irons à Saint-Pétersbourg rencontrer le président Poutine, l’écouter également et discuter avec lui (…) Il n'y a pas de plan de paix pour le moment, il y a des réflexions africaines»

Mission Afric Ukraine Macky

Quant au numéro Un sud-africain, Cyril Ramaphosa, il a précisé que « Il doit y avoir une désescalade des deux côtés (…) Aujourd’hui, on a eu une vraie et solide discussion. Si vous aviez pu jeter une oreille dans la pièce, vous auriez entendu tous les enjeux sur lesquels on a échangé, et à quel point on est allé dans le détail et en profondeur. On a parlé de beaucoup de sujets, honnêtement. Et on espère avoir la même conversation avec le président Poutine. On remercie le président Zelensky pour son ouverture d’esprit qui nous permettrait de poursuivre cette initiative. Nous, leaders africains, nous sommes prêts à le faire. »

En clair, les négociateurs africains ont buté sur l'intransigeance du président Volodymyr Zelensky, qui, tout en saluant leur démarche, a rejeté tout cessez-le-feu ou pourparlers : « Aujourd'hui, j'ai clairement dit pendant notre rencontre que permettre toute négociation avec la Russie maintenant, quand l'occupant est sur notre terre, signifie geler la guerre, geler la douleur et la souffrance. La Russie en profitera pour devenir plus puissante, s’armer encore plus et agresser encore plus l’Ukraine »

En Russie, les quatre chefs d'État et les représentants des trois autres chefs d'État ont ensuite rencontré le président Vladimir Poutine le samedi 17 juin, au moment où celui-ci présidait le Forum économique de Saint-Pétersbourg.

Le président russe a, pour sa part, salué la « démarche équilibrée » des émissaires du continent africain, non sans rappeler que des tentatives antérieures conduites notamment par le président turc, Recep Tayyip Erdogan, se sont révélées infructueuses parce que « la partie ukrainienne ne tient jamais ses engagements ». A preuve, il a brandit « pour la première fois » l’accord signé au début de l’« opération spéciale », par lequel l’Ukraine s’engageait à ne pas entrer dans l’Otan en échange du retrait de l’armée russe de Kiev. Il a ensuite enchaîné en justifiant la guerre et les développements en cours, notamment le déploiement d'ogives nucléaires russes en Biélorussie d'ici à la fin de l'année.

Poutine 1

Au chapitre des incidents qui ont émaillé cette mission qui se déroule en pleine contre-offensive ukrainienne, notons que des membres de la sécurité du numéro Un sud-africain ont été bloqués à leur descente d’avion en Pologne ; un acte « raciste » selon le chef de l’équipe de sécurité de Cyril Ramaphosa.

Par ailleurs, des missiles ont été tirés sur Kiev le même jour, obligeant la délégation à se réfugier dans un bunker.

Notons enfin que, face à Zelensky, Ramaphosa a refusé de condamner les exactions commises dans la ville de Boutcha et attribuées aux russes : « On a vu ce qu’il s’est passé là-bas. On m’a dit qu’il y avait une enquête en cours. Je pense que cette procédure doit se poursuivre. ».

De même, à la question de la presse ukrainienne de savoir si le président russe participerait au sommet des Brics, prévu au mois août prochain à Johannesburg, alors qu’il est visé par un mandat d’arrêt de la CPI, Cyril Ramaphosa a répondu : « Ce sujet est toujours en discussion. Mais à la fin, c’est moi et moi seul qui annoncerai de quelle manière ce sommet des Brics se tiendra. ». Pire, il a douté que les missiles qui ont explosé au-dessus de Kiev pendant leur visite soient effectivement russes… A l’opposé, c’est bras dessus, bras dessous qu’il était avec le président Poutine en Russie, ce qui fait légitimement douter de sa neutralité.

Mission Afric Ukraine

En cas d'aggravation du conflit, le cas de figure le plus évident serait une confrontation armée directe entre le bloc occidental et celui de la Russie, sous l'œil indécis des non-alignés des deux camps. En d’autres termes, nous aurions, d’un côté, les USA et leurs alliés de l’Otan, et de l’autre, la Russie et ses alliés que sont l’Iran, la Chine et la Corée du nord. Dans cette éventualité, l'Ukraine et la Russie ne seraient plus les seuls champs de bataille où les alliés enverraient des troupes et du matériel. En effet, la catastrophe déclencherait des règlements de compte entre la France et l’Algérie, qui a eu le temps de se doter de l’une des armées les plus puissantes d’Afrique, entre la Chine, le Vénézuela, Cuba et les USA, entre la Corée du nord et le bloc Corée du sud-Japon, entre Israël et le bloc Iran-monde arabe autour de la Palestine. Bref, l’humanité court à sa perte…

En Afrique, aucun régime ne pourrait embarquer sa population dans ce conflit, ne serait-ce qu’à cause de l’arrière-goût du passé colonial et raciste très présent dans les esprits. En tout état de cause, la mission africaine intervient quelques jours après la visite d'Etat du président algérien, Abdelmadjid Tebboune, en Russie, et quelques semaines avant le Sommet Russie-Afrique prévu également à Saint-Pétersbourg.

Alors, premier pas ou échec ? Les émissaires du continent africain ne baissent pas les bras, comme l’a assuré le président comorien, président en exercice de l'Union africaine, Azali Assoumani : « Nous reviendrons ! »

Seydou Koné

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