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Editorial / Le dilemme africain ou comment le Niger risque de faire basculer l'Afrique dans le chaos

Branleurs niger

L'Afrique est-elle maudite? Les atermoiements et surtout la volée de bois vert qui ont accueillis la proposition de sortie de crise des chefs d'Etat de la Communauté économique des Etats de l'Afrique de l'ouest (Cedeao) frise le délire. Le continent pourra-t-il s'en sortir un jour ? En effet, les mêmes voix qui s'élevaient, hier, contre l'inertie des dirigeants africains et leur incapacité à trouver des solutions africaines aux problèmes africains, sont celles qui défendent aujourd'hui le désordre. Depuis le début du mouvement d'humeur des soldats à Niamey jusqu'à la réunion de la CEDEAO, ni les guides religieux nigériens, ni la société civile, personne n'est monté au créneau partager ses lumières. Il aura fallu que les putschistes trouvent de la fermeté en face d'eux pour que des voix discordantes s'élèvent ici et là. Toutefois, cet écran de fumée ne constitue pas un répit pour le général Tchiani qui a délibérément choisi la solution de l'intervention militaire.

Le médecin après la mort...

Au sortir des indépendances, c'est l'ancienne Métropole qui suscitait des coups d'État sur le continent pour empêcher l'Afrique de retrouver ses marques dans les pays dont elle avait hérité. Aujourd'hui qu'elle sort la tête de l'eau, ce sont les Africains eux-mêmes qui veulent la noyer. A peine nos présidents ont-ils engagé des discussions avec les putschistes pour faire revenir l'ordre constitutionnel au Niger que les plateaux TV et les réseaux sociaux sont envahis par des sachants qui brandissent des solutions intelligentes. Quand ce n'est pas l'Algérie qui se souvient qu'elle a un voisin, ce sont les élus nigérians qui émettent des réserves. Une Algérie aphone lorsque les pays du Sahel combattent les terroristes, et qui retrouve subitement de la voix. Quel miracle !

Pour une fois que nos chefs d'Etats ont corrigé les erreurs du passé et jeté les bases d'un développement coordonné, les théoriciens de salon se font les Avocats du diable. Qui trouvent toutes sortes de motivations pour justifier le renversement du régime du président Bazoum. Tantôt, c'est la France qui se cache derrière, tantôt c'est le président Bazoum qui aurait été mal élu, tantôt c'est la capacité des militaires de la Cedeao qui est mise en doute, etc.

Beaucoup de bruit pseudo panafricaniste secoue l'Afrique de l'ouest. Ici, on voue la France aux gémonies ; là-bas, on accuse l'Amérique de tous les maux d'Israël. Partout, on mélange les torchons et les serviettes. Ces rêveurs prient pour voir des militaires à la tête de tous les pays africains, sans réfléchir aux graves conséquences que la suite aura sur la vie des nations et de leurs habitants. Mais en vérité, la gestion d'un pays ne saurait être confiée à un soldat, parce qu'il n'est formé que pour commander une troupe, une garnison ou un bataillon. Dans le meilleur des cas, une armée. Et, même dans ce cas, une armée n'est pas un pays !

De Sankara à Traoré, rien que du pipeau !

Qu'est-ce que le capitaine Doumbouya a apporté à la Guinée depuis qu'il s'est installé au palais Sékhoutouréya? Les compagnons du colonel Assimi Goïta qui ont renversé le président du Mali, ont-ils libéré le pays des djihadistes ? Sur quel piédestal les hommes du capitaine Traoré ont-ils mis le Burkina Faso depuis qu'ils sont aux affaires ? Alors, qu'apportera le général Tchiani au Niger ? En réalité, tous ces militaires ne pensent qu'à s'en mettre plein les poches. Ils ne feront que s'enrichir et enrichir les sangsues et autres laudateurs qui les entourent, et pour lesquels l'intérêt supérieur de la nation ne vaut pas un clou. Manipuler la masse en brandissant des drapeaux russes pour lui faire croire qu'un pays peut se gérer avec une baguette magique, c'est tout ce que ces agitateurs publics peuvent faire aux côtés des militaires sous les armes desquels ils s'abritent.

Ainsi donc, l'extraction de l'uranium par la France justifie le renversement du président Bazoum, même s'il n'était pas aux affaires lors de la signature du contrat. De même, les montagnes d'or et de richesses du Mali et du Burkina Faso devraient être exploitées par des nationaux depuis que le pouvoir kaki a chassé les militaires français. Pourtant aucun signe perceptible de changement n'existe à ce jour dans ces pays. Que se passe-t-il donc en réalité ? Qu'est-ce que la Russie a apporté à la Guinée lorsque Sékou Touré a chassé la France en 1958 ? A quel niveau de développement se trouve la Centrafrique depuis que les mercenaires de Wagner y ont planté leur drapeau ? L'Azawad revendique-t-il son indépendance, ou alors la soldatesque de Koulouba a-t-elle réunifiée le grand Mali ? Le capitaine Thomas Sankara a-t-il développé le Burkina Faso avec ses beaux discours révolutionnaires ? Du vent. Rien que du vent pour amuser la galerie. Les vrais problèmes sont ailleurs, et c'est avec des têtes que l'Afrique peut les résoudre.

La réalité n'a rien à voir avec la fiction

Passée l'euphorie de la victoire par la terreur, les putschistes se rendent rapidement compte que les problèmes à résoudre les dépassent. En effet, qu'ils soient internes ou externes, les problèmes d'un pays ne peuvent être réglés dans une caserne. Et alors, le pays commence à reculer et même à plonger dans l'abîme. A la grande joie des seuls profiteurs.

En discutant avec les aventuriers nigériens la main sur la gâchette, les chefs d'Etats de la CEDEAO veulent montrer qu'ils sont responsables, et que le bien-être du peuple nigérien doit passer avant les intérêts personnels de quelques individus. Et cette fermeté, ils l'ont déjà montrée en Guinée Bissau. Les décisions de nos chefs d'Etats devraient donc être soutenus au lieu d'être combattues, afin que la sous-région et toute l'Afrique puisse se développer harmonieusement. Tolérer ce qui s'est passé en Guinée, au Mali et au Burkina Faso, c'est prendre le risque de ramener l'Afrique à l'époque des républiques bananières. N'en déplaise aux afro-pessimistes...

Seydou Koné

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