Dossier / Election présidentielle 2025 en Côte d'Ivoire : Qui sont les adversaires de Ouattara ?
Photo : le président de la CEI, le magistrat Coulibaly Kuibert
Le samedi 25 octobre 2025, en Côte d’Ivoire, ils seront quatre à affronter dans les urnes le président sortant Alassane Ouattara, candidat à sa propre succession : Simone Ehivet Gbagbo, Jean Louis Billon, Henriette Lagou Adjoua et Ahoua Don Mello Jacob. Mais qui sont-ils, et quelles sont leurs chances d’être des outsiders ?
Simone Ehivet Gbagbo, 76 ans
Née le 20 juin 1949 à Moossou (Grand-Bassam), Simone Ehivet Gbagbo est titulaire de deux licences en lettres modernes et en linguistique africaine obtenues à l'université nationale de Côte d'Ivoire, d’une maîtrise de lettres modernes option littérature orale obtenue à l'université Paris-XIII (France), d’un DEA et d’un doctorat soutenu à l'université de Dakar (Sénégal). De professeur de lycée, elle devient syndicaliste à l’université en intégrant la « cellule Lumumba », groupe révolutionnaire clandestin créé par le Professeur Bernard Zadi Zaourou. C’est ainsi qu’elle militera au sein de syndicats du secteur de l’éducation tels que le SYNESCI (secondaire) et le SYNARES (supérieur), et sera plusieurs fois arrêtée lors de manifestations publiques et emprisonnée.
Entrée en politique, elle est membre fondatrice du Front populaire ivoirien (FPI), députée de la commune d'Abobo, vice-présidente de l'Assemblée nationale, et enfin première dame lorsque son époux Laurent Gbagbo devient président à la suite d’un coup de force contre le général Robert Guéi. Simone incarne alors l’aile dure du FPI au point que le magazine « Jeune Afrique » écrive à son sujet : « En fait, et le cas est unique en Afrique, il n'y a pas en Côte d'Ivoire, de 2000 à 2011, un seul chef qui règne, mais deux ».
Suite au remariage en 2001 de Laurent Gbagbo avec Nadiana Bamba, Simone fait virer de leurs fonctions tous les hauts fonctionnaires jugés proches de sa rivale et interdit à cette dernière l’accès à la résidence présidentielle. Elle finance à outrance les agitateurs publics appelés « jeunes patriotes », et cherche le soutien des évangélistes américains et israéliens à travers l’ancien basketteur Koré Moïse reconverti en pasteur de l'Église Shekinah Glory Ministries, pour combattre les musulmans du nord qu’elle identifie comme ses adversaires. Très proche du commandant de gendarmerie Anselme Seka Yapo alias « Séka Séka », accusé d'être responsable de basses œuvres du régime telles que les assassinats du général Guéï et de sa famille, la tentative d'assassinat du couple Ouattara, etc., Simone est aussi accusée d’être l’instigatrice des « escadrons de la mort », et d’être impliquée dans la disparition du journaliste franco-canadien Guy-André Kieffer.
Après la défaite aux élections de 2010 face à Alassane Ouattara, Simone persuade Gbagbo de ne pas accepter le verdict des urnes. Il s’en suit une guerre civile au bout de laquelle les Forces républicaines viennent à bout des forces demeurées loyales au couple Gbagbo. Ils sont tous deux arrêtés, inculpés et condamnés à 20 ans de prison par la justice ivoirienne pour « vol aggravé, détournement de deniers publics, concussion, pillage, atteinte à l'économie nationale, atteinte à la sûreté de l'État, attentat contre l'autorité de l'État, participation à un mouvement insurrectionnel et trouble à l'ordre public ». Ils seront également jugés pour crimes contre l'humanité, faisant d’elle la première femme poursuivie dans l’histoire de la Cour pénale internationale (CPI).
Toutefois, si Gbagbo est jugé pendant dix ans à La Haye, Simone le sera à Abidjan, avant de bénéficier de la mesure d’amnistie prononcée par le président Ouattara « dans un souci de réconciliation nationale »
En rupture de ban avec le Front populaire ivoirien (FPI) et Laurent Gbagbo depuis la libération de ce dernier, l’ancienne première dame a créé son propre parti : le Mouvement des générations capables (MGC). Ses partisans croient en ses chances, même si pour le reste de la population, elle reste la dame de fer qui a incarné la violence dans le pays.
Jean Louis Billon, 61 ans
Né le 8 décembre 1964 à Bouaké, Jean Louis Billon est l’héritier de l’une des plus grosses fortunes de Côte d’Ivoire.
Diplômé de l'Institut des hautes études de Défense nationale (France), Jean Louis Billon est également titulaire d'une maîtrise en droit des affaires obtenue à l’université de Montpellier (France) et d’un Master en affaires internationales de l'Université de Floride (USA). Il est marié à Henriette, la fille de l’ancien Ambassadeur Charles Gomis.
C’est suite à la disparition de son père, Pierre Billon, en 2001, qu’il prend la tête du groupe Société immobilière et financière de la Côte africaine (SIFCA), un important groupe agro industriel exerçant dans le secteur de l’huile de palme, du caoutchouc et du sucre.
Avant de se lancer en politique, Jean Louis Billon est élu président de la Chambre de commerce et d'industrie de Côte d'Ivoire (CCI-CI) en 2002. En 2004, il s’oppose à la décision du gouvernement Gbagbo d'offrir le terminal à conteneurs du port d’Abidjan qu’il convoitait au groupe français Bolloré.
Plus tard, nommé ministre du Commerce, de l'Artisanat et de la Promotion des PME, il prend le contre-pied de la décision gouvernementale en attaquant frontalement Bolloré.
Il quitte le gouvernement en 2017, pour s’engager dans l’opposition aux côtés du président Henri Konan Bédié au Parti démocratique de Côte d'Ivoire (PDCI). Désireux de briguer l'élection présidentielle, il renonce à la nationalité française en mars 2025. Mais, à défaut d’être le candidat du PDCI divisé sur le choix de Tidjane Thiam, il crée son propre parti politique : le Congrès démocratique (CODE).
Il faudra donc compter avec le PDG du plus grand groupe privé de Côte d'Ivoire, et l'un des hommes les plus riches du pays.
Henriette Lagou Adjoua, 66 ans
Née le 22 juin 1959 à Daoukro, Henriette Lagou est diplômée de l'Ecole nationale d’administration (ENA), option Trésor, et de l'Ecole supérieure de sécurité sociale (ESSS) de la CNPS.
Elle a été Conseiller technique à la Direction générale du Trésor et de la Comptabilité publique.
Entrée en politique, elle milite au Parti démocratique de Côte d'Ivoire (PDCI), avant de se rapprocher du Front populaire ivoirien (FPI) alors au pouvoir. C’est ainsi qu’elle devient présidente du Forum des femmes politiques de Côte d'Ivoire (FEMPCI), puis membre du Congrès national de la résistance pour la démocratie (CNRD) de Laurent Gbagbo, marraine puis présidente du mouvement « deux millions de filles pour Gbagbo ».
Henriette Lagou sera alors nommée PCA de la compagnie aérienne Air Ivoire, puis ministre de la Famille, de la Femme et de l'Enfant, en 2000.
En 2015, elle était la deuxième femme à briguer l’élection présidentielle en Côte d'Ivoire, après la juriste Jacqueline Oble (2010). Elle avait obtenu 27 759 voix, soit 0,89 % des suffrages exprimés.
Cette année, elle est soutenue par le Groupement des partenaires politiques pour la paix (GP-Paix).
Ahoua Don Mello Jacob, 67 ans
Né le 23 juin 1958 à Bongouanou, Ahoua Don Mello est ingénieur de l’École nationale supérieure des travaux publics (ENSTP), actuel INPHB, et de l’Ecole nationale des ponts et chaussées de Paris (France).
Avant d’entrer en politique, il a travaillé comme enseignant-chercheur à l’INPHB, à l'École supérieure interafricaine de l'électricité (ESIE) de Bingerville, au Laboratoire du bâtiment et des travaux publics (LBTP), et à l’Université du Burundi. Le FPI au pouvoir, il est nommé directeur général du Bureau national d'études techniques et de développement (BNETD) en 2000.
En effet, après avoir quitté le FPI en 1997 pour créer son propre parti, « La Renaissance », il y est finalement retourné comme conseiller du président Laurent Gbagbo. C’est ainsi qu’il sera nommé ministre de l'Équipement et de l'assainissement, puis porte-parole du dernier gouvernement de la Refondation. A la chute de Gbagbo, il se signale à l’extérieur comme conseiller spécial et consultant en développement de présidents d’autres pays africains tels que la Guinée et l’Afrique du Sud, Haut représentant pour l’Afrique occidentale et centrale et vice-président chargé des projets stratégiques des BRICS, avant d’être coopté par le patronat russe chargé des investissements en Afrique.
Enfin, lorsque Gbagbo perd également le contrôle du FPI et crée en 2021 le Parti des peuples africains – Côte d'Ivoire (PPA-CI), Don Mello y est nommé conseiller chargé des relations extérieures, puis vice-président chargé de la promotion du panafricanisme. Sa décision de se présenter à la présidentielle est vue comme une trahison par ses anciens camarades, raison pour laquelle il vient en candidat indépendant.
Les quatre candidats sont en lice pour affronter celui du Rassemblement des Houphouétistes pour le développement et la paix (RHDP), Dr Alassane Ouattara, président sortant, un banquier de renommée internationale qui a réussi à faire entrer la Côte d’Ivoire dans la cour des pays pré-émergents en 2017, soit 6 ans après son accession au pouvoir. En effet, grâce à une rigueur dont lui seul a le secret, le pays connaît une croissance économique exceptionnelle au monde, car stable et soutenue depuis 2012 : entre 6 et 7% !
Agé de 83 ans, Alassane Ouattara brigue un 4ème mandat consécutif conforme à la Constitution, celle de la Troisième République ayant été approuvée par le peuple lors du référendum du 8 novembre 2016, puis amendée et modifiée par voie parlementaire en mars 2020.
Dans ce pays où plus de 70% de la population a moins de 35 ans, les cinq candidats seront départagés par 8 700 000 électeurs dont 715 000 nouveaux majeurs, dans 25 678 bureaux de vote, dont 308 à l’étranger. La campagne électorale se déroulera du vendredi 10 au jeudi 23 octobre. Ensuite aura lieu le premier tour, le samedi 25 octobre, puis, si non takokélé, nom donné à la victoire au premier tour par les militants du RHDP, un second le samedi 29 novembre 2025.
Seydou Koné
Commission Electorale Indépendante (CEI), #Elections CIV 2025
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