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Côte d’Ivoire/ Le syndicalisme en milieu estudiantin : d’une crise à l’autre, pistes de solutions (Par Prof Coulibaly Lacina, Canada)

Dr Coulibaly Canada

Le syndicalisme en milieu universitaire en Côte d’Ivoire, en particulier sous l’influence de la Fédération estudiantine et scolaire de Côte d’Ivoire (FESCI), est une question épineuse, exacerbée par des violences récurrentes. La mort de l’étudiant Mars Aubin Deagoué Agui, surnommé le « Général sorcier » dans la nuit du 29 au 30 septembre 2024, liée aux activités de la FESCI soulève de sérieux débats sur la réforme et l’avenir du syndicalisme étudiant. (Photo: Prof Coulibaly Lacina)


Mon analyse et la proposition de pistes de solutions s’inscrivent dans cadre d’un post-mortem d’une crise qui dure depuis 33 ans et qui gangrène le paysage du système éducatif ivoirien. Une crise qui met en lumière la profondeur des dysfonctionnements et les impacts durables sur le secteur éducatif. Une réforme en profondeur serait une meilleure solution.

Voici quelques pistes de solutions pour pacifier et réorganiser le syndicalisme en milieu universitaire.

Comprendre les causes profondes des crises dans le système éducatif : Faire l’analyse introspective des crises syndicales estudiantines en Côte d’Ivoire permet de comprendre les racines profondes des dysfonctionnements qui ont alimenté ces tensions pendant plus de trois décennies. Cette approche vise à examiner non seulement les symptômes visibles, mais aussi les facteurs sous-jacents, souvent cachés, qui ont contribué à cette situation de manière durable. Il souligner que le paysage syndical dans le milieu des établissements d’enseignement, notamment les écoles secondaires et les universités, est marqué par la présence de plusieurs associations syndicales qui influencent le climat éducatif : FESCI (Fédération Estudiantine et Scolaire de Côte d’Ivoire), CEECI (Coordination des Élèves et Étudiants de Côte d’Ivoire), AGEECI (Association Générale des Élèves et Étudiants de Côte d’Ivoire), FNEC (Fédération Nationale des Étudiants de Côte d’Ivoire), UEESCI (Union des Élèves et Étudiants de Côte d’Ivoire) pour ne citer que celles-ci.

Renforcer le dialogue entre les parties prenantes : Le gouvernement, les administrations universitaires, et les organisations étudiantes doivent instaurer des plateformes régulières de dialogue. Ces discussions peuvent permettre de résoudre les conflits avant qu’ils ne dégénèrent en violences.

Renforcer le cadre légal des associations syndicales estudiantines et scolaires : Il est impératif de réformer le cadre juridique régissant les syndicats étudiants et scolaires. Cette réforme devrait inclure des règles claires sur la non-violence, la transparence dans la gestion des syndicats, le mode de financement et des sanctions en cas de violations. Un contrôle plus strict de la part des autorités éducatives est nécessaire pour prévenir les dérives. Les lois devraient également interdire clairement toute ingérence des partis politiques dans les syndicats étudiants, afin de dépolitiser le milieu syndical.

Former et sensibiliser les syndicats étudiants : Une meilleure formation des membres des syndicats, en mettant l’accent sur les méthodes non violentes de revendications, serait cruciale. Cela passe par des ateliers sur la gestion des conflits, l’éthique syndicale, le leadership responsable et la démocratie participative. Former les membres et les dirigeants du syndicat à la neutralité politique est essentiel pour éviter que les idées partisanes ne s’infiltrent dans les activités du groupe. Il est primordial de veiller à l’objectivité dans les revendications syndicales. Le syndicat devrait s’appuyer sur des études ou des enquêtes auprès des étudiants pour déterminer ses priorités et ses revendications. Les problèmes abordés doivent être spécifiques aux besoins des étudiants, sans lien avec les dynamiques politiques du pays.

Assurer une indépendance des partis politiques : Il est crucial qu’un syndicat étudiant apolitique refuse toute affiliation ou financement provenant de partis politiques. Cela inclut le rejet de l’influence directe ou indirecte de ces partis dans les processus de décision ou de recrutement des membres du syndicat. Pour préserver cette indépendance, il est essentiel de garantir une gestion financière transparente et de rechercher des financements provenant de sources non partisanes, comme des dons, des cotisations étudiantes ou des partenariats avec des organisations apolitiques.

Impliquer la société civile et les ONG dans la gestion des crises : Des organisations de la société civile peuvent jouer un rôle de médiateurs et d’éducateurs dans la promotion d’un syndicalisme pacifique. Elles pourraient aider à surveiller et à signaler les abus tout en formant les jeunes leaders.

Dépolitiser le syndicalisme étudiant : La politisation excessive des syndicats, notamment la FESCI, contribue souvent à l’escalade des violences. Réduire les influences politiques sur les mouvements étudiants permettrait de recentrer le syndicalisme sur les préoccupations académiques et sociales réelles des étudiants.

Sanctionner les violences et les abus : Il est crucial que les responsables d’actes de violence soient tenus responsables de leurs actions. Cela pourrait se traduire par des sanctions académiques, voire judiciaires, pour décourager l’impunité.

Faire la promotion de syndicats alternatifs centrés sur les droits des élèves et étudiants : Encourager la formation de syndicats étudiants alternatifs, non violents et indépendants, offrirait une autre voie pour ceux qui cherchent à défendre les droits des étudiants sans recourir à la violence.

Procéder à des réformes institutionnelles et améliorer les conditions des étudiants : Enfin, beaucoup des revendications étudiantes naissent de l’insatisfaction face aux conditions de vie et d’études. Améliorer ces conditions (bourses, infrastructures, etc.) réduirait la frustration et diminuerait l’attrait des actions syndicales violentes.

Digitaliser complètement le processus d’attribution des chambres à travers la création d’une plateforme en ligne. Il s’agira de mettre en place un système centralisé de demande et d’attribution des chambres via une plateforme numérique gérée par l’administration universitaire (CROU). Ce système devrait être sécurisé, accessible à tous les étudiants, et permettre une attribution basée sur des critères objectifs comme l’année d’étude, la situation financière, et la distance du domicile familial. Il faut également mettre l’accent sur la transparence au niveau des critères de sélection qui doivent être clairement affichés sur la plateforme, et chaque étudiant doit pouvoir suivre l’évolution de sa demande. Cela réduirait l’intervention d’acteurs externes comme la FESCI.

Enfin mettre en place un système de quota pour les étudiants les plus vulnérables qui consiste à réserver un certain nombre de chambres aux étudiants issus de familles à faible revenu, étudiants présentant un handicap ou vivant dans des zones éloignées garantirait une meilleure justice sociale.

Sécuriser d’avantage les différents campus

L’administration universitaire, en collaboration avec les forces de l’ordre, doit renforcer la sécurité aux portes des résidences étudiantes pour éviter que des personnes extérieures ou des groupes comme la FESCI ne s’immiscent dans le processus. Pour cela, il faut instaurer un système de cartes d’accès électroniques ou des badges biométriques pour l’entrée dans les résidences, ce qui permettrait de mieux contrôler les allées et venues. Cela éviterait les infiltrations et garantirait que seules les personnes autorisées aient accès aux chambres.

Sanctionner en cas de fraude ou d’abus au niveau des résidences universitaires : Renforcer la réglementation en cours afin d’être plus stricte. Tout étudiant ou groupe de pression qui tenterait de s’approprier illégalement des chambres ou d’exercer une pression sur le processus d’attribution devrait être sanctionné. Ces sanctions pourraient inclure l’exclusion du campus ou des poursuites judiciaires. Il faut également renforcer le mécanisme de plainte. En effet, les étudiants doivent avoir un recours en cas d’injustice ou d’abus dans le processus. Une ligne de plainte anonyme pourrait être mise en place pour signaler toute tentative d’intimidation ou de corruption.

Ces solutions proposées non exhaustives, nécessitent un engagement ferme de toutes les parties impliquées et une volonté de réformer le syndicalisme estudiantin et scolaire pour le rendre plus pacifique et productif.

Prof Coulibaly Lacina*,
Université de Moncton, Canada
Consultant international en éducation


* Professeur titulaire des universités, actuel président du syndicat des professeur(e)s de l’Université de Moncton Campus d’Edmundston, au Canada (APPUMCE), vice-président de la Fédération des associations de professeures et professeurs d’université du Nouveau-Brunswick (FAPPUNB) qui représente les intérêts d’environ 1 500 professeures, professeurs, personnel académique contractuel, bibliothécaires, chercheures et chercheurs de six campus faisant partie des quatre universités publiques de la province, et ancien membre du conseil d’administration de l’Association canadienne des professeures et professeurs d’université (ACPPU) 2010-2013.

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