C'était un ami de la Côte d'Ivoire et de l'Afrique : L’Aga Khan Karim, philanthrope de renommée mondiale est décédé

Il était connu en Côte d’Ivoire comme le fondateur, depuis 1965, de l’usine FILTISAC spécialisée dans la fabrication des sacs en fibre naturelle utilisés pour l’emballage du café et du cacao. Le célèbre homme d’affaires d’origine iranienne (mais possédant la double nationalité britannique et portugaise), l’Aga Khan Karim al-Hussaini possédait de nombreuses autres entreprises dans notre pays et ailleurs en Afrique. Présentes dans l’agro-industrie, les infrastructures, le négoce et l’énergie, entre autres, elles sont regroupées au sein du groupe Industrial Promotion Services West Africa (IPS WA). Imam de la communauté musulmane ismaélienne, Son Altesse a enfin été l’un des plus généreux contributeurs à la construction de la grande mosquée du Plateau, sous le président Henri Konan Bédié. Il a été rappelé à Dieu dans la nuit du mardi 4 au mercredi 5 février 2025 à Lisbonne (Portugal) dans sa 88ème année. Conformément à son testament, son fils le Prince Rahim Al-Hussaini lui succède sur le trône sous le nom de règne Aga Khan V.

Son Altesse Karim al-Hussaini, l’Aga Khan IV était encore plus connu dans le monde entier comme l’une des plus grosses fortunes au monde, pour sa philanthropie et son énorme contribution à la promotion de l’art islamique. En effet, descendant en ligne directe du Prophète de l’Islam et 49ème imam héréditaire des ismaéliens, il a utilisé des milliards de dollars de dîmes pour financer la construction de maisons, d’hôpitaux et d’écoles dans les pays en développement.

Photo : l'Aga Khan Karim en compagnie de la reine d'Angleterre

Né le 13 décembre 1936 à Creux-de-Genthod, près de Genève (Suisse), fils du prince Aly Khan et de Joan Yarde-Buller, Karim al-Hussaini a grandi à Nairobi (Kenya). Etudiant à Harvard, il n’a que 20 ans, lorsqu’il est préféré à son père pour monter sur le trône en juillet 1957.

En effet, son grand-père meurt le 11 juillet 1957 en laissant le testament suivant :

« Vu les bouleversements qui se sont produits dans le monde au cours des récentes années de par le fait d’une rapide évolution, en particulier dans le domaine de la science atomique, je suis convaincu que dans l’intérêt même de la communauté chiite musulmane ismaélienne, il convient que me succède un homme jeune, qui a acquis éducation et instruction au cours de ces dernières années dans l’esprit même de cette ère nouvelle qui remplira dans un esprit nouveau ses devoirs d’imam. Pour ces raisons, et bien qu’il ne figure pas parmi mes héritiers, je désigne mon petit-fils Karim, fils de mon fils Ali Salman Khan, comme successeur au titre d’Aga Khan et à la charge d’Imam de tous mes fidèles chiites ismaéliens ».

C’est ainsi qu’il succède à l’Aga Khan III, à la tête d’une diaspora sans Etat de millions de musulmans chiites ismaéliens à travers le monde. La reine Élisabeth II lui donne alors le titre de « Son Altesse ». La cérémonie d’intronisation se déroule en Afrique, plus précisément à Dar es-Salaam (Tanzanie), le 19 octobre 1957, à l’endroit même où son grand-père avait reçu en cadeau de ses fidèles son poids en diamants !

Photo : l'Aga Khan Karim en compagnie de Jimmy Carter et de Fidel Castro, aux obsèques du premier ministre canadien Pierre Eliott Trudeau

En effet, la tradition veut que les ismaéliens n’aient qu’un seul imam, et qu’ils lui versent 10 % de leurs revenus, en sa qualité d’intendant de leurs biens devant Dieu. Ce qui rend difficile l’estimation de l’étendue de l’empire financier de l’Aga Khan. Selon le magazine « Forbes », il figurait en 2010 parmi les 10 souverains les plus riches de la planète, avec une fortune estimée à 800 millions de dollars US.

Il déclarera au magazine « Vanity Fair » en 2012 : « Nous n’avons aucune notion comme quoi l’accumulation de richesses serait un mal. L’éthique islamique est que, si Dieu vous a donné la capacité ou la chance d’être un individu privilégié dans la société, vous avez une responsabilité morale envers la société ».

Photo : L'hôpital Aga Khan de Dar Es-Salaam (Tanzanie)

Les affaires de l’Aga Khan sont regroupées autour de deux pôles : le Réseau Aga Khan de Développement ou AKDN, couvrant l’économique, le social et la culture, le Fonds Aga Khan pour le Développement Economique ou AKFED. Le budget annuel de l'AKDN s’élève à 625 millions de dollars US.

Créée pour « concrétiser la vision éthique de la société inspirée par le message de l'Islam », mais au service de bénéficiaires de toutes confessions religieuses, l’AKDN, sa principale organisation philanthropique, est présent dans une trentaine de pays et emploie plus de 80 000 personnes. Il est actif dans le logement, l’éducation, le développement économique rural, et notamment les soins de santé, à travers le vaste réseau d’hôpitaux portant son nom en Tanzanie, au Bangladesh, au Tadjikistan ou encore en Afghanistan.

Photo : l'Aga Khan V Rahim

Au plan culturel, Son Altesse a également créé un prix d’architecture et des programmes d’architecture islamique au Massachusetts Institute of Technology (MIT) et à Harvard, restauré de nombreux monuments historiques islamiques à travers le monde, contribué à la création du Centre mondial du pluralisme d’Ottawa et du premier musée des arts islamiques d’Amérique, le musée Aga Khan de Toronto (Canada). Il est enfin à l’origine du « Forum de Paris pour la paix », de la « Fondation pour la sauvegarde et le développement du domaine de Chantilly », et de l' « Académie Diplomatique Internationale », un Think Tank européen de référence en matière de dialogue inter civilisationnel, et un centre de formation pour les diplomates des pays émergents.

L’Aga Khan Karim laisse derrière lui trois fils et une fille : Zahra (née en 1970), Rahim (1971), Hussain (1974) et Ali (2000). C’est ainsi que son successeur est le Prince Rahim Al-Hussaini Aga Khan V, 50ème imam héréditaire des musulmans chiites ismaéliens.

Le Pakistan a décrété une journée de deuil national en sa mémoire le samedi 8 février 2025.

Seydou Koné