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Comprendre la faillite de la Silicon Valley Bank et ses conséquences en 3 questions

La chute de la Silicon Valley Bank aux États-Unis vendredi 10 mars a fait craindre l’irruption d’une nouvelle crise financière mondiale. Décryptage de cet évènement en trois questions : pourquoi la Silicon Valley Bank a-t-elle fait faillite ? Comment les autorités américaines ont-elles réagi ? Existe-t-il un risque de contagion en Europe ?


Pourquoi la Silicon Valley Bank a-t-elle fait faillite ?

La Silicon Valley Bank est une banque américaine spécialisée dans le financement de start-up du secteur des nouvelles technologies. Elle était, au début du mois de mars, la 16e plus grosse banque des États-Unis, en termes d’actifs gérés. La Silicon Valley Bank a fermé ses portes vendredi 10 mars : il s’agit de la plus importante défaillance bancaire aux États-Unis depuis la chute de Lehman Brothers en septembre 2008, ayant précipité la crise des subprimes.

Pour comprendre les causes de la déconfiture de la Silicon Valley Bank, un retour en arrière chronologique s’impose. Au cours de l’année 2021, profitant d’un fort engouement à la suite de la pandémie de Covid-19, de nombreuses start-up ont réalisé d’importantes levées de fonds. Les dépôts gérés par la Silicon Valley Bank ont alors explosé, passant de 102 à 189 milliards de dollars. Ces liquidités ont, notamment, été investies par la banque en bons du Trésor américain, un placement a priori peu risqué. La hausse des taux d’intérêt, conséquence du resserrement de la politique monétaire de la Réserve fédérale (FED) mené depuis début 2022, a eu un double effet :

- d’une part, les conditions de financement des entreprises se sont dégradées. Cela a notamment contraint les start-up à utiliser les liquidités dont elles disposaient en banque.
- d’autre part, la valeur des obligations a sensiblement chuté en 2022. Ce phénomène, parfois qualifié de « krach silencieux », s’explique par la corrélation négative entre la valeur des obligations en circulation et les taux d’intérêt : lorsque ces derniers montent, les investisseurs cèdent leurs « vieilles » obligations pour acquérir de « nouvelles », ce qui provoque une baisse du cours des premières.

Dans ce contexte, la Silicon Valley Bank a dû liquider une partie de son portefeuille d’obligations pour faire face aux retraits des start-up. En raison de la baisse de la valeur des obligations, la banque, qui n’était pas protégée contre le risque de remontée des taux, a enregistré une perte de près de 1,8 milliard de dollars et a, dans la foulée, annoncé vouloir procéder à une augmentation de capital de 2,25 milliards de dollars.

Cette double annonce a déclenché un bank run (ou panique bancaire) : de nombreux clients, ayant perdu confiance dans la banque, ont retiré leurs fonds… ou ont tenté de le faire ! Les autorités américaines ont procédé à la fermeture de la Silicon Valley Bank vendredi 10 mars pour limiter l’hémorragie.

Un défaut de régulation aux États-Unis

Toute défaillance d’un établissement financier pose la question de la régulation. Après la crise financière de 2008, des règlementations plus strictes ont été mises en place, tant aux États-Unis qu’en Europe. Certaines de ces règles ont, toutefois, été allégées par l’administration Trump. En particulier, seuls les établissements bancaires disposant d’un bilan d’un montant supérieur à 250 milliards de dollars font l’objet d’une surveillance stricte. Le seuil était de 50 milliards avant 2017. Avec les règles auparavant en vigueur, le régulateur américain aurait sans doute pu intervenir en amont et ainsi éviter la faillite de la Silicon Valley Bank, dont la taille du bilan était de 212 milliards de dollars fin 2022.

Silicon Valley Bank : comment les autorités monétaires américaines ont-elles réagi ?

Les autorités américaines ont répondu rapidement de manière à renforcer la confiance dans le système bancaire américain et à éviter toute contagion. Après avoir pris le contrôle de Signature Bank, une autre banque en difficultés, dimanche 12 mars, elles ont annoncé plusieurs mesures. Tout d’abord, les dépôts de la Silicon Valley Bank et de Signature Bank seront garantis dans leur intégralité, bien au-delà donc du plafond de 250 000 dollars prévu par la législation américaine. Cela concerne plus de 85 % des clients de ces deux établissements.

L’action de la FED ne constitue pas un bail-out : les actionnaires et détenteurs d’obligations de ces deux banques ne sont en effet pas protégés par les mesures prises.

La FED a, par ailleurs, mis en place un nouveau programme, le Bank Term Funding Program, destiné à fournir des liquidités à des conditions avantageuses, notamment aux établissements bancaires. Les banques pourront, en effet, emprunter des fonds en apportant des obligations valorisées à leur valeur nominale (et non à leur valeur de marché).

Les mesures prises par les autorités américaines visent à éviter tout risque systémique, c’est-à-dire le risque qu’un événement particulier entraîne par réactions en chaîne des effets négatifs considérables sur l’ensemble du système pouvant occasionner une crise générale de son fonctionnement.

Enfin, de nombreux observateurs anticipent que les principales banques centrales mondiales, comme la FED et la Banque centrale européenne (BCE), pourraient stopper leur politique de remontée des taux d’intérêt dans le cadre de la lutte contre l’inflation, de manière à soutenir les économies.

Faillite bancaire : y a-t-il un risque de contagion en Europe ?

Les dirigeants américains et européens n’ont cessé de se montrer rassurants au cours de ces derniers jours. Ainsi, selon Bruno Le Maire, ministre de l’Économie, des Finances et de la Souveraineté industrielle et numérique, il n’existe « pas de risque de contagion » et les banques françaises et européennes sont « solides ».

Il apparaît, en effet, que les banques du vieux continent opèrent selon un modèle différent de la Silicon Valley Bank. Leurs clients et leurs actifs sont notamment plus diversifiés, ce qui limite le risque de faire face à la même séquence que la Silicon Valley Bank. De plus, il semble n’y avoir que peu de liens directs entre la Silicon Valley Bank et des établissements bancaires européens. La chute de la banque américaine ne devrait donc pas générer de lourdes pertes pour ces dernières.

En revanche, les établissements bancaires européens sont également confrontés à la hausse des taux d’intérêt. Ils pourraient donc être amenés à essuyer des pertes s’ils sont contraints de vendre de manière prématurée les obligations qu’ils possèdent et/ou s’ils ne se sont pas suffisamment protégés face au risque de remontée des taux.

Les difficultés du « Crédit Suisse »

Si la chute de la Silicon Valley Bank ne devrait pas avoir de lourdes conséquences sur le système bancaire européen, la situation du Crédit Suisse, l’un des principaux groupes bancaires suisses, inquiète.

Crédit Suisse a, en effet, essuyé une perte de près de 7,3 milliards de francs suisses en 2022 et a annoncé, mardi 14 mars, avoir révisé ses comptes pour les années 2019 et 2020 en raison de « faiblesses substantielles dans son contrôle interne ». D’après Crédit Suisse, ces faiblesses ont été, aujourd’hui, corrigées, mais elles devraient entraîner de nouvelles pertes. L’inquiétude s’est amplifiée, mercredi 15 mars, après que la Saudi National Bank, le premier actionnaire de Crédit Suisse, a affirmé ne pas vouloir investir davantage dans le groupe suisse, ce qui a jeté le doute sur la capacité de survie de ce dernier.

Une défaillance de Crédit Suisse, qui gère près de 1 300 milliards de francs suisses d’actifs, aurait sans aucun doute de graves conséquences pour le système bancaire européen.

lafinancepourtous

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