De l'avenir de la langue française en Afrique
En Iran j'ai été interviewé par la télévision publique sur l'identité culturelle de l'Ivoirien au sein du village planétaire.
Le lendemain, dans le hall de l'hôtel, un collègue de la Nouvelle-Zélande qui avait suivi la diffusion de l'élément m'a chaleureusement interpellé par ces mots : " Je t'ai vu hier à la télévision et tu parlais dans ton ethnie ! "
Lorsque je lui ai dit en anglais que c'est en français que je parlais et non dans mon ethnie, il a répondu qu'il n'avait jamais entendu quelqu'un dans son entourage parler le français et donc qu'il n'avait aucune idée de ce qu'est cette langue. Ce qui m'a plus sidéré que formalisé.
Le français est pourtant parlé ( chiffres de 2023) par 327 millions de personnes dans le monde dont plus de la moitié en Afrique.
En outre, l'organisation de la Francophonie regroupe 88 États et gouvernements et le français est la 5ème langue la plus parlée dans le monde.
Le français est actuellement la langue officielle ou coofficielle de vingt-sept pays.
Aux Nations Unies, il y a 6 langues officielles de travail (l'anglais, l'arabe, le chinois, l'espagnol, le français et le russe) et le français est considéré comme la seconde langue après l'anglais.
Cependant dans cette institution, toutes les copies originales des textes sont en anglais avant d'être traduites dans les autres langues en principe. Mais pour beaucoup de documents, la traduction intervient très tard, si devant ceux-ci, il n'est pas fait mention de: " ce texte n'existe qu'en version anglaise".
Comme on le dit : " Toute traduction est une trahison". Ce qui suggère qu'aucune traduction ne transmet parfaitement ou même convenablement l'original et en la matière, on est jamais assez prudent en diplomatie.
Ces dernières années également, on assiste à une ruée de pays francophones africains ( Rwanda, Cameroun , Togo, Gabon etc.) vers le commonwealth qui était à l'origine le regroupement des anciennes colonies anglaises et qui maintenant est présenté comme la communauté des pays qui ont en partage la langue anglaise.
Les pays qui sont fâchés contre le Président Macron ( moins contre la France) au Sahel ont récemment dégradé le Français de " langue officielle" à " langue de travail" La nuance a son importance.
Mieux, la tendance actuelle dans un plus grand nombre de pays africains francophone est d'imposer l'apprentissage de l'anglais dès la première année de l'école primaire.
En Afrique du Nord dans des pays comme l'Algérie, le Maroc et la Tunisie, l'arabisation de l'enseignement et de l'administration tend à reléguer le français au second plan.
Toute cette évolution montre non seulement l'attrait mais aussi la suprématie de la langue anglaise sur la scène internationale et auprès de la nouvelle génération, mais aussi le recul de la langue française.
Comme si cela ne suffisait pas, on assiste à la montée à bas bruit des langues comme le mandarin sur le continent africain.
Dans des pays comme le Bénin, le Togo, la Côte d’Ivoire, le Gabon, le Congo-Brazzaville, l'Ouganda, le Kenya ou encore le Mozambique, cette langue est enseignée à des milliers de personnes par les Instituts Confucius qui sont très dynamiques et déterminés en la matière. Le Ghana a carrément décidé d'insérer l'apprentissage de cette langue dans les programmes scolaires.
Tout cela alors qu'en 2050, selon des projections démographiques, plus de 820 millions de personnes sur une population mondiale de 9,7 milliards, parleront français et environ 85 % de ces personnes seront en Afrique.
On le voit donc, la France devra dans les prochaines années travailler pour à la fois maintenir son influence politique sur le continent africain mais également son attrait culturel à travers le repositionnement de la langue française qui a été par le passé celle de l'érudition et d'une certaine finesse et qualité de vie.
Il appartient donc aux autorités de ce pays de prendre la mesure du "péril" et de définir sans pressions ni promesses, les meilleures politiques pour l'endiguer ou le contenir dans sa proportion congrue.
Moritié Camara
Professeur d'Histoire des Relations Internationales
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