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Au Nigeria, le grand exode des professionnels de la santé inquiète

Exode médical au Nigeria

 

La crise économique, qui s'ajoute aux faibles salaires, au manque d'infrastructures sanitaires et à l’insécurité généralisée, fait fuir du pays les professionnels de la santé nigérians.
"Les élites préfèrent se soigner à l'étranger plutôt qu’au Nigeria et ça en dit long sur l’état des hôpitaux dans le pays", déplore Hassan Adewunmi, étudiant en deuxième année de médecine sur le chemin qui le mène à son université dans le nord de Lagos. Le jeune homme de 19 ans se dit toutefois prêt à quitter son pays, lui aussi, à la fin de ses études à la Lagos State University College of Medicine, mais à contre-cœur.
Face à une inflation galopante autour de 30% début mars, aux faibles salaires, au manque d'infrastructures sanitaires et à l’insécurité généralisée au Nigeria, les professionnels de la santé quittent le pays par milliers chaque année, d'après les associations du secteur médical.
Entre 15.000 et 16.000 médecins ont plié bagage au cours des cinq dernières années, a indiqué le ministre nigérian de la Santé, Muhammad Ali Pate, dans une interview télévisée pour la chaîne locale Channels TV, au début du mois de mars. Aujourd’hui, le pays le plus peuplé d’Afrique compte seulement 300.000 professionnels de la santé, dont 55.000 médecins, pour une population de 220 millions d’habitants, selon le ministre.


Liste rouge
"Les médecins au Nigeria gagnent en moyenne entre 2.000 (1.839 euros) et 4.000 dollars (3.679 euros) par an, donc près de 200 dollars chaque mois. Ils valent mieux que cela", a déclaré à l’AFP Moses Onwubuya, président de l’association des étudiants en médecine du Nigeria (NIMSA).
La plupart des soignants nigérians se trouvent dans les grandes villes du pays. Selon le ministre de la santé, il y a environ 7.600 médecins à Lagos, la ville la plus peuplée du pays, et 4.700 à Abuja, la capitale fédérale. Dans le reste du Nigeria, il y a environ 2 médecins pour 10.000 habitants.

"Nos établissements de santé ne répondent pas aux normes et sont en sous-effectif, ce qui entraîne un épuisement professionnel général", a déclaré à l’AFP, Dele Abullahi, le président de l’association nigériane des médecins résidents (NARS) et médecin généraliste à l’Université d’Ilorin Teaching Hospital dans le sud-ouest du Nigeria. En 2020, l’Organisation mondiale de la santé (OMS) a placé le Nigeria sur sa liste rouge des Etats confrontés à une grave pénurie de personnels de la santé.
"Les soignants se dirigent majoritairement vers le Royaume-Uni, le Canada et les Etats-Unis, mais aussi de plus en plus dans des pays du Moyen-Orient comme l’Arabie saoudite. Ils vont aussi en Scandinavie", détaille Moses Onwubuya. Selon le Centre de recherche et de projets sur le développement (DRPC), une organisation à but non lucratif basée au Nigeria, près de 5.000 médecins ont déménagé au Royaume-Uni entre 2015 et 2021.


Fuite des cerveaux
Pour tenter de limiter la fuite des cerveaux, le député Ganiyu Johnson a proposé une loi en 2023 obligeant les diplômés en médecine à travailler pendant cinq ans au Nigeria, avant d'obtenir leur autorisation d'exercer complète.
Rejetée en bloc par les associations de médecins, cette proposition de loi n’a toujours pas été adoptée par les parlementaires. Du côté des infirmiers, la législation a changé depuis le 1er mars, les obligeant à exercer au moins deux ans au Nigeria avant de pouvoir quitter le pays.
"Il faut augmenter les salaires, acheter du matériel, rénover les hôpitaux, mettre en place des bourses d’études pour les étudiants. C’est ce que doit faire le gouvernement", a déclaré à l’AFP Stella Naomi Oluwadare, infirmière dentaire qui affirme gagner 250.000 nairas (200 euros) par mois avec dix ans d'expérience. Cette mère de famille de trois enfants s'apprête à rejoindre cet été son époux orthodontiste qui a émigré au Canada en 2022.
Pour Chomas Abiodun, 35 ans, infirmière généraliste dans un hôpital privé dans le nord de Lagos, la situation actuelle du corps médical met en danger la formation des prochaines générations d’étudiants. "Si tous les professionnels qualifiés quittent le pays, qui va enseigner dans les écoles et encadrer les jeunes lors de leurs stages dans les hôpitaux ? Quelque chose doit changer", s’inquiète-t-elle.
Le ministre de la Santé s’est engagé en mars à se pencher sur le sort des professionnels de la santé, en commençant par envisager une augmentation de leurs salaires.

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