Jessica Davis Ba, Ambassadeur des Etats-Unis: « La Côte d’Ivoire est en train de redevenir un hub régional pour les États-Unis »
Photo: l'ambassadeur Jessica Davis Ba en compagnie du vice-président ivoirien
En poste à Abidjan depuis six (6) semaines, la nouvelle ambassadrice des Etats-Unis en Côte d’Ivoire, Jessica Davis Ba indique que la Côte d’Ivoire est en train de redevenir un hub régional pour son pays. Dans cette interview exclusive accordée à Abidjan.net, elle évoque un progrès dans le système démocratique ici en Côte d’Ivoire, tout en annonçant que le président américain Joe Biden a invité son homologue ivoirien au prochain sommet (le deuxième) de la démocratie aux Etats-Unis. Interview.
Abidjan.net - Pour 2023 et avec votre arrivée en Côte d’Ivoire, quelles sont les priorités des États-Unis pour le pays ?
Jessica Davis Ba. Les priorités pour les États-Unis ici en Côte d’Ivoire, ce sont les mêmes qu’on avait depuis des années. Nous poursuivrons notre investissement dans le social, la paix et la prospérité. Nous sommes en train de continuer d’être le partenaire de choix pour la Côte d’Ivoire parce qu’avec les États-Unis, les partenariats sont basés sur le respect mutuel dans tous les domaines et la création d’un avenir ensemble dans la région et dans le monde. Nous sommes en train de regarder le Plan National de Développement (PND) et confirmer que tous nos partenariats visent à continuer à élargir nos programmes dans tous les domaines.
Vous avez évoqué le PND, est-ce que les États-Unis sont engagés dans ce programme ?
Nous faisons une contribution au niveau de tous les piliers du Plan National de Développement (PND) de la Côte d’Ivoire. On ne fait pas des soutiens budgétaires comme ça. Notre assistance se fait plutôt à travers des programmes...
Quelles sont les principales aides financières et économiques que les États-Unis apportent à la Côte d’Ivoire ?
Nous avons des programmes dans tous les domaines ici en Côte d’Ivoire. Depuis ces dernières années, financièrement, nos programmes sont plus importants dans le secteur de la santé.
Les États-Unis ont investi plus de 2 milliards de dollars dans le secteur de la santé pour traiter les personnes malades du VIH-SIDA. Ensemble, nous sommes en train de travailler avec la Côte d’Ivoire et notre partenariat est reconnu partout dans le monde avec le progrès que nous avons fait avec le contrôle de cette maladie. Nous sommes en train d’engager aussi le combat contre le paludisme. La semaine dernière, j’étais à Abengourou avec le coordinateur mondial de lutte contre le paludisme pour le président des États-Unis. Nous sommes en train de travailler maintenant avec la Côte d’Ivoire pour encourager plus d’investissements dans le système primaire. Ça veut dire que les personnes qui travaillent dans le secteur de la santé au sein de la communauté.
Investir dans la santé, c’est investir dans le peuple ivoirien et avec cet investissement, nous sommes en train de travailler sur la résilience des communautés. Nous avons un programme dans presque toutes les communes ici en Côte d’Ivoire et cet investissement garantit un peuple sain pour qu’il puisse réagir dans tous les autres domaines. Nous avons d’autres investissements dans beaucoup de domaines. Nous sommes extrêmement fiers de ce partenariat et aussi du partenariat que nous avons aussi maintenant dans le domaine des infrastructures du transport, de l’éducation à travers le Millennium Challenge Corporation (MCC).
Nous avons une enveloppe de presque 600 millions de dollars avec ce projet et nous sommes en train de négocier avec la Côte d’Ivoire pour un deuxième programme Compact dans le secteur de l’énergie pour élargir l’électricité, pas seulement pour les Ivoiriens, mais pour la région ouest africaine aussi.
Quels sont les principaux défis auxquels la Côte d’Ivoire est confrontée en ce moment et qui bénéficient du soutien des États-Unis ?
Notre soutien, c’est un soutien et un partenariat multidimensionnels. Je voudrais insister sur le mot partenariat parce que l’assistance, c’est dans un seul sens. Les États-Unis et la Côte d’Ivoire sont en relation d’échanges. Nous sommes tous les deux en train d’apprendre et d’échanger mutuellement. C’est un partenariat de diplomatie, de développement et de défense. Donc, nous avons la même vision que la Côte d’Ivoire. Il faut traiter le développement et soutenir le peuple pour savoir ses besoins. Il faut le soutenir pour savoir ses opportunités. Notre partenariat vise l’investissement dans le peuple ivoirien.
Quelles sont les perspectives des relations entre la Côte d’Ivoire et les États-Unis ?
Je suis là depuis six semaines et ce que je vois, c’est un partenariat tellement fort que chaque jour, ça devient de plus en plus fort, profond et élargi. Nous avons les mêmes visions pour l’avenir. Notre vision est en train de grandir et de s’élargir. La Côte d’Ivoire est en train de redevenir un hub régional pour les États-Unis.
Vous avez rencontré, cette semaine, le Vice-président ivoirien. Avant lui, vous aviez rencontré le président de la République. Qu’est-ce que vous leur avez dit ?
Vous savez, le président de la République et le Vice-président ainsi que les ministres avec qui j’ai déjà échangé, chaque fois, je suis tellement impressionnée qu’il y ait beaucoup de personnes au plus haut niveau qui ont été formées aux États-Unis. Ils ont investi aux États-Unis très tôt dans leur carrière. Nous avons investi très tôt dans leurs carrières, même dans l’armée et la police. Donc, chaque fois que j’ai une rencontre au plus niveau, je suis totalement impressionnée avec l’initiative, avec la créativité, avec l’intérêt de continuer à faire plus et ensemble. Chaque fois, j’apprends quelque chose dans chaque conversation. C’est une façon dynamique. Le président de la République et moi, nous avons fréquenté la même université à Philadelphie. Lui, un tout petit peu avant moi, mais, c’est la même université. Donc, nous avons cette expérience en commun et ça, c’est une expérience que j’ai pu partager avec eux. Mais, c’est aussi une expérience partagée pour beaucoup d’ivoiriens qui vivent ici en Côte d’Ivoire et des Ivoiriens américains qui sont aux États-Unis. C’est une vision partagée. Ce sont des idées que nous partageons pour l’avenir.
Quel est l’engagement des États-Unis dans la lutte contre le terrorisme en Afrique de l’ouest ? Des pays voisins de la Côte d’Ivoire connaissent des attaques terroristes depuis plusieurs années…
Nous reconnaissons le défi des menaces du terrorisme dans la région et en Côte d’Ivoire. Heureusement, la Côte d’Ivoire n’est pas touchée au même niveau que ses voisins. Mais, ça aussi, c’est parce que la Côte d’Ivoire a une gouvernance très forte. La Côte d’Ivoire investit dans les relations entre les forces de sécurité, dans les communautés et surtout dans les régions marginalisées. Nous avons beaucoup parlé de la situation régionale. Nous sommes en train de travailler en partenariat avec la Côte d’Ivoire d’une façon bilatérale et aussi régionale pour lutter contre ce fléau. En même temps, investir dans les racines de ce problème. Ça veut dire le développement et les besoins socio-économiques. Les États-Unis saluent la Côte d’Ivoire pour les investissements que ce pays a faits avec ses propres ressources pour soutenir et donner une résilience aux communautés.
Quel bilan faites-vous du dernier exercice militaire des forces américaines et certains pays africains ici en Côte d’Ivoire à Jacqueville ?
Le Flintlock, c’est un exercice annuel que nous menons avec nos partenaires africains. L’année dernière, la Côte d’Ivoire était l’hôte et cette année, on était tellement bien accueilli qu’on a fait encore ici et ça, c’est rare. Cette année, nous avions organisé le Flintlock au Ghana et en Côte d’Ivoire. En Côte d’Ivoire, on a fait une innovation pour inviter les gendarmes. Donc, il y avait vraiment une collaboration avec les militaires et les civils. On a accueilli dans cet exercice 1300 participants venus de 29 pays. Ça, c’est un très grand échange des meilleures pratiques et d’expériences pour améliorer l’interopérabilité de tous nos pays avec des partenaires dans la région et aussi des partenaires internationaux. Et à Jacqueville, on a vu aussi une institution très performante pour accueillir ce type de formation.
Est-ce que ce genre d’opérations est la preuve que la menace terroriste est forte dans la région ?
Cet exercice, c’est la preuve que la coopération est très forte. Parce qu’on aura toujours des menaces. La question, c’est est-ce que nous sommes préparés ? Et les menaces peuvent être les menaces terroristes, mais aussi, il y a une pandémie et il y a une question de sécurité sanitaire. Et tout cela est lié. Les exercices comme ça, même si quelqu’un peut voir ça comme un exercice militaire, c’était une occasion de tisser les liens et d’approfondir les partenariats.
La situation s’enlise en Ukraine malgré les appels à la fin de la guerre. Est-ce qu’il faut désespérer quant à une issue pacifique de la guerre en Ukraine ?
On ne peut jamais désespérer. Notre travail, c’est le travail de l’espoir. La guerre en Ukraine peut être arrêtée aujourd’hui si la Russie l’arrête.
Est-ce que ce n’est pas l’option de l’OTAN de soutenir militairement l’Ukraine qui enlise cette guerre ?
Tout ça, ce sont des arguments qui n’ont rien à voir avec l’agression de la Russie. La Russie a commencé cette guerre. Elle a commencé à tuer les civils avec une inhumanité qui est inimaginable aujourd’hui. La Russie ou les autres essaient de donner d’autres raisons pour leurs actions. Il n’y a aucune raison pour expliquer qu’un pays ne respecte pas du tout la souveraineté des autres pays, ne respecte pas les vies des civils et des enfants et qui continue cette guerre qu’il peut arrêter aujourd’hui’.
La fin de cette guerre relève de la volonté de Vladimir Poutine ? N'y a-t-il pas d’autres solutions ?
Il n’y a pas d’autres solutions. Je ne connais pas les motivations de M. Poutine. L’impact de cette guerre sur le monde, c’est un désastre.
Avec les crises régulièrement entre les puissances mondiales, la Chine, les États-Unis, la Russie, la France. N’est-il pas temps d’envisager un nouvel ordre mondial parce que l’ordre qui est établi actuellement a été fait au lendemain de la deuxième guerre mondiale ?
Avec ces pays, ce ne sont pas seulement les conflits, c’est aussi une coopération. Il y a aussi beaucoup de conflits avec les autres pays que vous n’avez pas mentionnés. C’est clair que le monde a changé depuis la deuxième guerre mondiale et les États-Unis, nous sommes en train d’essayer à chaque niveau, dans tous les domaines y compris dans le gouvernement et surtout dans les secteurs privé et public d’être innovants avec le nouveau monde. Nos infrastructures, nos systèmes, quelques fois, et presque partout au monde, n’évoluent pas au même rythme du monde. C’est pour cela que les États-Unis sont champions du dialogue pour les réformes des institutions y compris les Nations-Unies pour faire un dialogue mondial afin que tous les pays puissent participer à ce dialogue et créer des institutions pour l’avenir.
Concernant l’actualité politique en Côte d’Ivoire, avant la fin de cette année 2023, on aura des élections locales, quel est votre regard sur la situation politique du pays ?
Je peux vous dire que les États-Unis reconnaissent le progrès dans le système démocratique ici en Côte d’Ivoire. Le président Joe Biden a invité le président Alassane Ouattara à participer au deuxième sommet de la démocratie la semaine prochaine (Ndr : cette semaine). A ce sommet mondial, la Côte d’Ivoire a été invitée parce que les États-Unis reconnaissent les progrès au niveau de la démocratie et la bonne gouvernance. Et les États-Unis reconnaissent les efforts et l’investissement que les Ivoiriens ont fait dans leur propre système politique. Nous avons l’espoir que les élections municipales donnent l’occasion à tous de participer y compris aux personnes qui n’ont jamais participé à ce processus. Nous encourageons une participation de tous dans la paix et la transparence et pour tout le monde, parce que c’est ça la démocratie.
Quel est votre sentiment du peuple ivoirien ?
Je connais l’Alloco, l’Attiéké, le poulet, le poisson braisé, etc. Je commence à connaître le peuple ivoirien en commençant avec mon équipe à l’ambassade car la plupart de mes collaborateurs sont des Ivoiriens. C’est avec eux que je commence à apprendre à connaître ce pays. Donc, honnêtement, je suis très contente et le mot « Akwaba » (Bienvenue) pour moi est un sentiment et non seulement un mot qui me touche tous les jours. Dans toutes mes actions, j’essaie de réciproquer et de dire merci pour « l’Akwaba ». Et je me demande ce qu’on peut faire ensemble. Je suis là, il y a seulement six semaines, mais j'ai l’impression que je suis là depuis très longtemps.
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