Lionel Goujon (AFD) : "L’eau joue un rôle central dans l’atteinte des objectifs de développement durable"
La Conférence des Nations unies sur l'eau, du 22 au 24 mars à New York, doit aboutir à un programme d'action audacieux. Lionel Goujon, responsable de la division Eau et Assainissement de l’AFD, nous explique les principaux enjeux de développement dans ce domaine.
En quoi le sujet de l’eau est-il essentiel pour l’atteinte de différents Objectifs de développement durable ?
Les interactions entre différents secteurs concernés par les ODD sont connues et l’eau joue effectivement un rôle central dans l’atteinte de plusieurs d’entre eux. Sur l’élimination de la faim et de la pauvreté, le lien est évident : un meilleur accès à l’eau contribue à améliorer la sécurité alimentaire et la nutrition, par la consommation directe et la production agricole. Sur le changement climatique et ses répercussions tout comme sur la préservation des milieux aquatiques et la biodiversité, la gestion de l’eau est un enjeu important et d’actualité. Sur les villes durables, pour réduire les risques liés aux catastrophes naturelles, la planification et la gestion de cette ressource sont des sujets incontournables. Sur la paix et la gouvernance, c’est aussi très clair : l’eau peut être source de conflits, et une meilleure gestion une solution pour apaiser les relations. Nos projets dans le secteur ont également des impacts en matière de genre et de santé.
À ce sujet, le développement de services d’eau et d’assainissement gérés en toute sécurité est en effet une garantie non négligeable en termes de santé publique, notamment pour limiter la diffusion de maladies hydriques (choléra, diarrhée, dysenterie, hépatite A, etc.). L’AFD a cofinancé une étude d’impact de la London School of Hygiene & Tropical Medicine à Uvira, en République démocratique du Congo, portant sur plusieurs années d’analyse de données du Centre de traitement du choléra et dont il ressort qu’une amélioration de la qualité des services d’eau a un impact positif pour limiter la prévalence du choléra et des maladies diarrhéiques.
Quelle est l’action de l’AFD dans le domaine de l’eau et de l’assainissement ?
Malgré un contexte international particulièrement complexe – pandémie, inflation, crises et conflits dans plusieurs pays –, l’activité de l’AFD dans le secteur de l’eau a été très soutenue en 2022 : 1,2 milliard d’euros ont été engagés, soit environ 10 % de l’activité du Groupe, et 927 millions d’euros signés. En Afrique, les montants engagés l’an dernier (610 millions d’euros) constituent un record historique. À titre d’exemples, l’AFD a financé un projet ciblant la prévention des risques de conflit provoqués par le manque d’eau en Mauritanie (14 millions d’euros en subvention), un programme visant à accentuer l’émancipation des femmes via l’accès à l’assainissement en Côte d’Ivoire (prêt de 130 millions d’euros) ou encore un projet permettant de lutter contre la sécheresse tout en améliorant l’accès à l’eau en Angola (prêt de 150 millions de dollars). Dernier exemple, l’AFD finance un projet centré sur l’assainissement qui aura des répercussions majeures en termes de santé publique à Chattogram, au Bangladesh.
Ces financements s’articulent autour des trois axes de la nouvelle stratégie publiée en février 2022 et qui guide notre action : réduire les inégalités d’accès à l’eau potable et à l’assainissement, agir à l’échelle territoriale pour plus de résilience climatique et écologique, améliorer la gouvernance pour des services performants et pérennes. Ces financements s’appuient aussi sur les trois accélérateurs retenus dans cette stratégie : les partenariats, l’innovation et la connaissance. Cette stratégie constitue une déclinaison, à l’échelle de l’AFD, de la Stratégie internationale de la France pour l’eau et l’assainissement 2020-2030.
Comment peut-on renforcer les financements pour le secteur ?
Selon plusieurs études, le gap de financement pour atteindre l’ODD n°6 « Accès à l’eau et à l’assainissement pour tous » est très important car les volumes actuels de financement en faveur du secteur ne sont pas suffisants. Pour le combler, il est nécessaire d’agir sur plusieurs leviers : optimiser les performances et les coûts du service tout en améliorant les rendements ; améliorer l’équilibre financier du secteur en ayant recours dans chaque contexte local au bon équilibre entre les sources de financement ultimes que sont les tarifs (factures payées par l’usager), les taxes (subventions venant du budget général) ou les transferts (dons de l’aide internationale au développement) ; enfin, il faut accroître les volumes de finance remboursable, notamment les prêts, en faveur du secteur.
Une étude financée par l’AFD dans le cadre de Finance en Commun a montré que les banques publiques de développement (BPD), et en particulier les BPD nationales, peuvent jouer un rôle significatif dans l’atteinte de cet ODD n°6 en accroissant leurs financements afin d’accélérer les investissements en matière d’eau et d’assainissement. Partant de ce constat, l’AFD a été à l’origine de la création de la Water Finance Coalition qui regroupe plus de 50 BPD. Les activités de la coalition cherchent à accroître le rôle des BPD dans le secteur de l’eau et de l’assainissement et à les accompagner sur cette trajectoire.
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