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Editorial / Divorce Ashraf Hakimi et Hiba Abouk : Une affaire fantasmée et juridiquement invraisemblable (Alhousseini Diabaté)

Hakimi reflex
 
Depuis quelques jours, une banale affaire de divorce entre un footballeur du Paris-Saint-Germain et son épouse tient la presse et la toile mondiale en haleine. Curieusement en Afrique subsaharienne, ce fait de société éloigné des préoccupations quotidiennes a eu un écho particulièrement retentissant. Alors que les internautes s’en donnent à cœur joie, de nombreux médias écrits et audiovisuels en font un sujet de premier plan. Même l’espace universitaire n’a pas échappé à ce fait divers, puisque l’épreuve de l’examen de fin de semestre 2022-2023 de droit des régimes matrimoniaux en 3e année de licence de droit privé à la Faculté de Droit, d’Économie et de Gestion de l’Université Djibo Hamani de Tahoua au Niger aurait porté sur deux sujets au choix dont le premier est intitulé « Achraf Hakimi », et le second un cas pratique, relate les prétendus faits et demande aux étudiants de proposer une solution juridique à cette situation.   
 
Pour rappel, le 27 mars 2023, Mme Hiba Abouk, actrice de cinéma de nationalité hispano-tunisienne, annonce dans un média espagnol son divorce avec M. Achraf Hakimi, footballeur au Paris-Saint-Germain, de nationalité hispano-marocaine, avec qui elle est mariée depuis 2020 et ont eu deux enfants. Cette annonce intervient à la suite d’une mise en examen du footballeur, pour des accusations de viol d’une jeune dame à Nogent-sur-Marne en France.
 
Aussitôt, ce qui ne devrait être qu’un simple fait divers éloigné de l’Afrique subsaharienne et de ses préoccupations quotidiennes envahit comme une traînée de poudre la presse et les réseaux sociaux. L’information relayée par la presse et abondamment commentée par les internautes fait état de ce que « Mme Hiba Abouk a demandé le divorce pour se voir attribuer à parts égales les biens de M. Achraf Hakimi, mais que cette dernière se serait rendu compte pendant l’audition devant le juge, que M. Achraf Hakimi, pour ne pas partager sa fortune au moment du divorce, a mis ses biens au nom de sa mère et que face à sa désillusion Mme Hiba Abouk n’a eu que ses yeux pour pleurer». 
 
M. Achraf Hakimi y est notamment présenté comme « avoir reçu un coup de génie pour avoir soustrait la moitié de sa fortune de l’emprise d’une femme dont le seul objectif est de s’enrichir ». Selon d’autres internautes, M. Hakimi est « un enfant béni, pour avoir mis sa fortune au nom de sa mère au détriment de son épouse ». 
 
Ce fait de société, au-delà de son aspect fantasmé et de son caractère juridiquement invraisemblable, permet néanmoins d’apporter des clarifications sur les droits de cette femme présentée comme doublement victime de l’infidélité et de la ruse de son mari.
 
Il convient de rappeler que jusqu’à l’annonce du divorce, le couple et ses enfants résidaient régulièrement en France ; que M. Hakimi exerce encore son activité de footballeur professionnel au PSG, en France et qu’il est fiscalement domicilié en France. Que le droit français des régimes matrimoniaux est structuré autour de quatre régimes distincts : le régime légal de la communauté ; le régime de la séparation de biens ; le régime de la participation aux acquêts et le régime de la communauté universelle. Qu’en vertu de l’art. 1400 du Code civil, à défaut de choix de régime, les époux sont soumis au régime légal de la communauté des biens. Dès lors, à défaut de précision sur le régime des époux Hakimi et par application de l’art. 1400 du Code civil, il convient de s’en tenir au régime légal de communauté des biens. 
 
Dans cette vue, le présent billet, que nous avons délibérément voulu court et succinct, se focalise sur la qualification des gains et salaires des époux en régime de communauté(I) ; sur le sort des donations des biens communs et des propres en régime de communauté ( II) ; sur la pension alimentaire entre époux pendant l’instance en divorce (III) ; et enfin s’agissant d’un divorce présentant des éléments d’extranéités il convient de s’interroger  sur la règle de conflit de loi en droit international privé (IV). 
 
I. Qualification des gains et salaires des époux en régime de communauté : Biens communs
 
En droit, l’article 1401 du code civil dispose que « La communauté se compose activement des acquêts faits par les époux ensemble ou séparément durant le mariage, et provenant tant de leur industrie personnelle que des économies faites sur les fruits et revenus de leurs biens propres ». Interprétant ce texte, la Cour de cassation a, dans un arrêt de principe datant du 8 février 1978, retenu que les gains et salaires perçus par les époux constituent des biens communs (Cass. 1ère civ. 8 févr. 1978, Dame Guichaux c/ Bayeux, n°75-15731). Cette règle qui a été confirmée par la haute juridiction dans sa jurisprudence postérieure (Cass. 1ère civ. 31 mars 1992, n°90-16343), n’a jamais été remise en cause. Aussi, la jurisprudence retient-elle une conception large des gains et salaires qui prend en compte non seulement les gains et salaires perçus pendant le mariage, mais aussi ceux perçus après la dissolution du mariage dès lors qu’ils trouvent leur origine dans une activité effectuée pendant le mariage. Ainsi, le sort des gains et salaires ne soulève plus aucune difficulté. Il est de droit que la moitié de ces acquêts de la communauté soit attribuée à chacun des époux à la dissolution du mariage. 
 
En l’espèce, la presse et les réseaux sociaux rapportent que Mme Hiba Abouk souhaite obtenir la moitié de la fortune de l’homme auquel elle était légalement mariée, M. Achraf Hakimi. 
 
Par conséquent, en application de la règle énoncée par l’article 1401 du Code civil et de la jurisprudence subséquente bien établie, Mme Hiba Abouk est en droit d’obtenir la moitié de la fortune de M. Achraf Hakimi faisant partie de la masse commune. 
 
II. Le sort des donations de biens communs et des propres en régime de communauté
 
En régime de communauté, l’actif est structuré selon trois masses de biens : les biens communs, les biens propres appartenant à un époux et les biens propres à son conjoint(e).   
 
S’agissant des biens communs, la gestion obéit à un principe posé par l’art. 1422 du Code civil , selon lequel « Les époux ne peuvent, l'un sans l'autre, disposer entre vifs, à titre gratuit, des biens de la communauté. Ils ne peuvent non plus, l'un sans l'autre, affecter l'un de ces biens à la garantie de la dette d'un tiers ». L’article 1427 al 1re ajoute que « Si l'un des époux a outrepassé ses pouvoirs sur les biens communs, l'autre, à moins qu'il n'ait ratifié l'acte, peut en demander l'annulation ». Dès lors, si la nullité de l’acte est admise, elle emporte les effets habituels, à savoir l’anéantissement rétroactif de l’acte de donation tant dans les rapports entre époux que dans les relations entre l’époux auteur de l’acte et le tiers bénéficiaire. La jurisprudence précise que l’annulation est de droit même si le bénéficiaire de la donation a été de bonne foi (Cass. Civ. 1re , 6 février  1979, n 77-15-300). 
 
S’agissant des biens propres, ils constituent à côté de la masse commune, la masse des biens propres à chaque époux (art. 1404 Code civil). Aux termes de l’article 1428 du Code civil « Chaque époux a l'administration et la jouissance de ses propres et peut en disposer librement ». Cette disposition peut donner l’impression que les biens propres échappent totalement à la communauté et que l’époux propriétaire peut en disposer ou en faire donation en toute indépendance. Mais il s’agit d’une fausse impression, car comme déjà indiquée, les revenus tirés de l’activité professionnelle d’un époux pendant le mariage constituent des biens communs conformément à l’art. 1401 du Code civil. Aussi, l’alinéa 1er  de l’art. 1402 du Code civil, dispose que « Tout bien, meuble ou immeuble, est réputé acquêt de communauté si l'on ne prouve qu'il est propre à l'un des époux par application d'une disposition de la loi ». En outre, en régime de communauté l’emploi ou le remploi des biens propres obéit à des règles de fond assez contraignantes. En droit des régimes matrimoniaux, l’emploi vise l’utilisation de deniers propres en soi pour l’acquisition d’un bien, ce dernier prenant la place de sommes d’argent. Le remploi consiste quant à lui dans la vente d’un bien propre, l’obtention du prix et son réinvestissement dans une nouvelle acquisition, cette dernière étant substituée au bien vendu. Dans les deux cas l’art. 1434 du Code civil dispose que « L'emploi ou le remploi est censé fait à l'égard d'un époux toutes les fois que, lors d'une acquisition, il a déclaré qu'elle était faite de deniers propres ou provenus de l'aliénation d'un propre, et pour lui tenir lieu d'emploi ou de remploi. À défaut de cette déclaration dans l'acte, l'emploi ou le remploi n'a lieu que par l'accord des époux, et il ne produit ses effets que dans leurs rapports réciproques ». Il résulte de ce texte que lorsqu’un époux fait emploi ou remploi d’un bien propre sans en avoir effectué la formalité de la double déclaration d’origine et d’affection, la présomption de communauté de l’art. 1402 du Code civil s’applique et le bien tombe dans la masse commune. Cette double déclaration n’est pas qu’un simple formalisme probatoire. Elle est surtout une règle de fond, une véritable condition de validité de l’emploi ou du remploi d’un bien propre, qui permet de bloquer le jeu de la présomption de communauté. (V. en ce sens Ch. Blanchard, Droit des régimes matrimoniaux, pp. 303 et s ; égal. Cass. Civ. 1re, 23 octobre 2013, n° 12-24220 ; Cass. 1re civ. 25 févr. 2009, n° 08-12137).
 
En l’espèce, il est rapporté que M. Achraf Hakimi a fait donation de 80% de sa fortune à sa mère dans le but de priver son épouse de toute possibilité de partage au moment du divorce. 
 
Par application, des textes cités et de la jurisprudence pertinente, Mme Hiba Abouk est en droit en premier lieu de procéder à l’annulation des donations portant non seulement sur les biens visés à l’art. 1401 Code civil, mais aussi les biens propres ayant fait l’objet d’emploi ou remploi et qui n’ont pas satisfait a la double déclaration de l’art.1434 du Code civil. Et, en second lieu, d’obtenir la moitié de l’ensemble de biens entrant dans la masse commune au jour du divorce. 
 
III. La pension alimentaire entre époux pendant l’instance en divorce : Un devoir de secours
 
En droit, l’article 212 du Code civil dispose que « les époux se doivent mutuellement respect, fidélité, secours, assistance ». Interprétant ce texte, à l’aune de l’obligation alimentaire entre époux pendant l’instance en divorce, la Cour de cassation affirme que « la pension allouée pendant l’instance en divorce procède du seul devoir de secours entre époux, lequel ne prend fin que du jour où le jugement de divorce devient irrévocable » (Cass. Civ., 30 juin 1995, Bull. civ. II, n 225). Sur le fondement de ce devoir de secours, un époux peut donc exiger de l’autre, même en période de divorce, une pension alimentaire pour répondre à ces besoins. Il ne s’agit pas du minimum vital, a dit la Cour de cassation dans une affaire dans laquelle, les revenus de l’épouse en instance de divorce « n’étaient pas suffisants pour lui assurer le niveau d’existence auquel elle pouvait prétendre, compte tenu des facultés du mari »( Cass. Civ. 2e, 7 mai 1980, Bull. Civ II, N 97. 
 
En l’espèce, Mme Hiba Abouk partage maritalement sa vie avec M. Achraf Hakimi depuis 2020. Le couple a eu deux enfants. Avec son salaire mensuel d’environ un million ( 1 000 000 ) d’euros M. Achraf Hakimi a pu assurer à la famille un niveau de vie très confortable. La séparation du couple durant l’instance en divorce éloigne la conjointe de son cadre de vie habituel. Dès lors, pour permettre à l’épouse de maintenir son niveau d’existence, elle peut souhaiter que lui soit accorder une pension alimentaire pour la durée de l’instance. 
 
Par conséquent, en application du devoir de secours énoncé à l’article 212 du Code civil et de la jurisprudence subséquente, Mme Hiba Abouk est en droit d’obtenir une pension alimentaire. 
 
IV. Droit à une prestation compensatoire après la dissolution du mariage 
 
En droit, l’article 270 alinéa 2 du Code civil dispose que « L'un des époux peut être tenu de verser à l'autre une prestation destinée à compenser, autant qu'il est possible, la disparité que la rupture du mariage crée dans les conditions de vie respectives». Interprétant ce texte, la jurisprudence explique que la prestation compensatoire a pour objet de compenser la différence de niveau de vie qui se crée entre les conjoints à la suite de la rupture du mariage (Cass. Civ. 2e, 12 juillet 1984, n° 83-14265). Cette prestation a un caractère forfaitaire. Elle prend la forme d'un capital dont le montant est fixé par le juge (art. 270 alinéa 2 in fine). Dans un arrêt récent du 21 septembre 2022, la Cour de cassation réaffirme la règle selon laquelle « même si la liquidation du régime matrimonial des époux est par définition égalitaire, il n’y a pas lieu de tenir compte de la part de communauté devant revenir à l’un des époux pour apprécier la disparité créée par la rupture du lien conjugal dans les situations respectives des époux ». Autrement dit, le fait pour l’épouse de recevoir la moitié des biens communs ne dispense pas l’ex-époux à verser la prestation compensatoire (Cass. Civ. 1re, 21 sep. 2022, n°21-12344). Cette prestation peut être demandée pour la première fois en appel dès la décision qui prononce le divorce n’a pas encore acquis autorité de la chose jugée ( Cass. Civ. 1re , 14 mars 2018, n° 17-14874).
 
En l’espèce, Mme Hiba Abouk est actrice de cinéma. Selon le site d’information en ligne footmercato.net son revenu mensuel est de dix mille (10 000) euros, alors que M. Achraf Hakimi est rémunéré au PSG par un salaire mensuel d’environ un million (1.000.000) euros. La baisse de niveau de vie de Mme Hiba Abouk et la disparité que la rupture du mariage crée dans les conditions de vie respectives des deux ex-conjoints sont inéluctables.  
 
Par conséquent, en application de la règle énoncée par l’article 270 alinéa 2 du Code civil et de la jurisprudence subséquente, Mme Hiba Abouk,si elle en fait la demande, peut se voir attribuer une prestation compensatoire. 
 
V. Sur la règle de conflit de lois en droit international privé
 
En droit international privé notamment français, est contraire à l’ordre public la loi étrangère applicable au divorce qui refuserait d’attacher des conséquences pécuniaires au divorce et qui n’accorderait au conjoint, ni pension alimentaire, ni prestation compensatoire, ni dommages-intérêts, ni allocation suffisante. Cette règle a été réaffirmée par la Cour de cassation dans un arrêt récent du 28 novembre 2006. L’attendu principal de cet arrêt est assez édifiant : « La Cour d’appel, ayant souverainement estimée que la loi marocaine, alors applicable, ne permettait pas d’allouer à l’épouse une allocation suffisante après le divorce, en a exactement déduit qu’elle était, sur ce point, contraire à l’ordre public international français » (Cass. Civ., 1re , 28  Novembre 2006, Bull. Civ. I, n 524). 
 
En l’espèce, M. Achraf Hakimi de nationalité marocaine et espagnole, exerce son activité de footballeur professionnel au PSG, en France. Il est fiscalement domicilié en France. Et, depuis 2020 le couple et ses enfants résident régulièrement en France.   
 
Au regard de l’ordre public français, la double nationalité marocaine et espagnole de M. Achraf Hakimi, comme seul élément d’extranéité ne peut faire échec à l’application de la règle française en matière de conflit de loi. Dès lors, M. Achraf Hakimi, ne peut échapper à l’application du droit français, qui en l’espèce est assez protecteur de Mme Hiba Abouk.
 
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Docteur en droit privé, Enseignant-chercheur
USJPB- Mali et Université d’Angers-France

 

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