Nouveaux amis des putschistes africains : Les russes « font ce qu’ils veulent, quand ils veulent, comme ils veulent… »
Nouvelle phase d’influence de la Russie en Afrique, grandes manœuvres post-Prigojine, extension du domaine de Wagner au Sahel, titularisation du Niger dans le cercle des amis du Kremlin, et l’ombre portée du cas centrafricain…
Après l’assassinat sans coupable en août dernier du sulfureux patron de Wagner, Evgueni Prigojine, Moscou a décidé de reprendre en mains la milice paramilitaire. Objectif : sauvegarder, voire amplifier les profits liés aux activités de Wagner en Afrique. Bref, une entreprise de nationalisation du groupe de mercenaires. Difficile équation, cependant : comment l’Etat russe allait-il intégrer la donne Wagner dans le champ ordinaire de sa politique étrangère, en évitant d’apparaître comme le parrain-repreneur d’une société de mercenaires dont il n’a pas toujours officiellement assumé les actions, surtout les plus compromettantes ? La consolidation des acquis sur le continent étant inscrit au registre des priorités, Moscou a engagé au pas de charge une nouvelle saison de son offensive en Afrique, en s’appuyant sur les domaines investis par Wagner, tout en s’appliquant à faire disparaître les miasmes de l’ère Prigojine. L’important étant de poursuivre la guerre d’influence permettant d’agrandir le périmètre des intérêts de la Russie. Dans une étude publiée le 4 décembre dernier, l’organisation All Eyes On Wagner constate : « Plusieurs mois après la mort d'Evguéni Prigojine, Moscou semble reprendre (…) les bonnes recettes du défunt patron de Wagner. La Russie semble entrer dans une deuxième phase d'influence sur le continent africain ». Pour servir ce nouvel agenda, Moscou a entrepris, selon plusieurs sources, la création d’une structure dénommée «Africa Corps» (Corps africain). Cette version «étatique» de Wagner, émanant du Ministère de la Défense, serait pilotée par le Renseignement russe et dirigée par un «civil» désigné par Vladimir Poutine.
La facture de Wagner
Les éléments de Wagner sont les bienvenus dans ce «Corps africain» où de nombreux avantages leur sont proposés. Toutes les nouvelles recrues pourraient bénéficier d’alléchantes rémunérations, d’avantages sociaux défiant les normes nationales, et même d’exemptions d’affectation sur d’autres théâtres de conflits, en Ukraine notamment. Autant dire que l’Afrique est devenue une cible privilégiée de la politique étrangère russe. Pourquoi donc tant d’amour envers ce continent ? La réponse se trouve déjà dans les actions en cours au Sahel, au Soudan ou en Centrafrique. Alors que le discours officiel présente le projet Africa Corps comme une «structure au service des populations africaines», les acteurs pragmatiques de cette opération reconnaissaient qu’elle est prosaïquement destinée à «établir les points d’influence sur le continent africain, y promouvoir les intérêts russes et collecter les revenus issus de l’exploitation des ressources naturelles…»
En Afrique, la forte prédilection de la Russie pour les pays dirigés par des régimes putschistes n’est plus à démontrer. En s’alliant à de tels régimes, du Mali au Soudan, en passant par le Centrafrique, Moscou mise sur un rapide retour sur investissement. En ce mois de décembre au Niger, les auteurs du putsch du 26 juillet dernier ont fait entrer leur pays dans le cercle des amis de Moscou des temps actuels. Le 4 décembre dernier, une délégation russe a été reçue à Niamey par le chef de la junte nigérienne, le général Abdourahamane Tchiani. A la tête de cette délégation « de haut niveau », le vice-ministre russe de la Défense, le colonel-général Iounous-bek Bamatguireïevitch Evkourov, le même qui, en août dernier, s’était rendu en Libye pour réaffirmer le soutien de son pays au maréchal Khalifa Haftar, chef de l'Armée nationale libyenne (ANL) qui domine l’est libyen et… les puits de pétrole de cette région.
A Niamey, les deux parties contractantes russe et malienne ont donc procédé à la signature de documents, «dans le cadre du renforcement de la coopération militaire entre la République du Niger et la Fédération de Russie». Quelques jours plus tôt, lors d’une visite officielle au Mali, le général Tchiani avait discuté avec des responsables de Wagner des possibilités d’une «collaboration». Reste au Niger à trouver le budget nécessaire pour garantir la rémunération de la milice. Alors même que le Niger a dû recourir à la mise en place d’un fonds de solidarité nationale pour contribuer aux dépenses de l’Etat, le régime militaire place désormais tous ses espoirs dans l’imminence de l’exploitation du pétrole nigérien. Il faut rappeler que la facture mensuelle pour un déploiement de 1400 hommes de Wagner s’élève à 10,8 millions de dollars, si l’on s’en réfère au cas du Mali. S’ajoute à cette rémunération fixe, les permis d’exploitation de diverses ressources naturelles…
« Ils font ce qu’ils veulent, quand ils veulent, comme ils veulent… »
Alors que la junte nigérienne s’écarte de ses logiques régionales en persistant dans un bras-de-fer avec la Communauté économique des Etats d’Afrique de l’Ouest (Cédéao), il est difficile d’évaluer pour les populations, les futurs bénéfices de ce rapprochement avec la Russie.
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NB : Le titre est de la rédaction
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