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Succession d’Alassane Ouattara / L’ancien DG du Crédit Suisse, Tidjane Thiam abat ses premières cartes sur la TV privée ivoirienne NCI

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Dans une interview d’une heure accordée à la Nouvelle Chaîne ivoirienne (NCI), ce dimanche 13 août 2023, l'ancien ministre du Plan, Tidjane Thiam a joué la carte de la séduction vis-à-vis de la population ivoirienne. Tout en se défendant de vouloir se prononcer sur ses ambitions politiques, le brillant économiste, ancien patron de prestigieuses entreprises internationales telles que Prudential, le Crédit Suisse ou encore le Groupe Kering, a mis en avant son côté humain, son éducation religieuse, sa compétence intellectuelle et sa vision du futur. Morceaux choisis.
Un économiste à visage humain

Aujourd’hui âgé de 61 ans, Tidjane Thiam, figure emblématique de la finance internationale pour avoir été le premier dirigeant Noir d'une entreprise du FTSE 100, a justifié sa présence au pays par la volonté de prendre part au deuil national, suite au décès de l’ancien président Aimé Henri Konan Bédié sur qui il ne tarit pas d’éloges. L’entretien avec Ali Diarrassouba (NCI) lui a donné l’occasion de se rappeler au bon souvenir des Ivoiriens.

De leurs échanges, on retient que l’ancien polytechnicien a été nommé le 20 avril 1994, « à 31 ans », directeur général de la Direction et contrôle des grands travaux (DCGTX) par le président Bédié. Il transformera cette structure en Bureau national d’études techniques et de développement (BNEDT). Après y avoir fait ses preuves, il sera ensuite nommé ministre du Plan.

Sur le social

Tidjane Thiam se présente comme un économiste humain. Qui a toisé les géants de Wall Street tout en gardant les pieds profondément enracinés dans la culture africaine de l’humilité, de la dignité et du respect du sacré. Ses convictions ? « On ne réussit qu’à travers les gens et on ne peut les motiver que si on les traite bien ». Ou encore « Il n’est de richesses que d’hommes (Jean Bodin) » ; « Je crois à la dignité de chacun » ; « Il n’y a pas de sots métiers ».

Pour lui, « Les gens ne travaillent pas pour un salaire ils ont besoin d’un salaire pour vivre. Mais s’ils n’ont pas d’inspiration, quelque chose en quoi ils peuvent croire, alors ça devient alimentaire. Et Vous ne pouvez pas tirer le meilleur des gens avec des considérations d’ordre alimentaire ». Mieux, « Le bien ne fait pas de bruit, le bruit ne fait pas de bien ». « Ce qui compte, c’est que les conditions de vie des populaires s’améliorent. Que les gens soient libérés des deux soucis fondamentaux : se nourrir et se soigner. »

Enfin, « Il faut donner aux gens les moyens de s’exprimer. La base de la dignité humaine c’est le travail ».

Sur son éducation

En bon africain, Thiam attribue tout ce qu’il sait de la vie et sa réussite à ses parents. Comme lui a enseigné son père : « L’autorité ne s’exige pas, elle se consent. Le secret du commandement c’est de comprendre que l’autorité vient d’en bas, pas d’en haut. Vous ne pouvez diriger des êtres humains que s’ils consentent à être dirigés par vous donc votre autorité est dans l’exacte mesure du consentement qu’ils vous donnent à les guider donc il faut toujours s’évertuer à obtenir le consentement de ceux qui sont en bas, parce que c’est ça le fondement de votre autorité et le fondement du pouvoir. Sinon, vous pouvez exercer une fonction sans pouvoir. »

Pourtant, « Mon père a fait toute sa carrière avec son certificat d’études. Ma mère jamais allée à l’école. Ils n’ont jamais fait de grandes études mais ils m’ont tout appris ».

Il croit « en l’égalité des chances », et « déteste le racisme », convaincu que « la base de tout, c’est la confiance en soi ».
Spirituel, il aime cet enseignement de l’islam qui dit que « Les prières les plus précieuses sont celles qu’on fait après votre mort ».
De sa mère, il retient enfin : « La seule chose dans laquelle tu peux investir, c’est ta tête ».

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Sur le président Ouattara

Invité à donner un avis sur la gestion actuelle du pouvoir en Côte d’Ivoire, Thiam reconnaît que « L’économie progresse. Et ça, le crédit doit revenir au président Ouattara et son équipe ». Et d’ajouter : « Il faut continuer. Il faut que chaque génération ajoute à celle qui la précède. (Il s’agit de) amplifier ce qui est bien. Plutôt que d’être dans une logique négative et de destruction. La maturité et le développement viennent si on peut faire des progrès continus ».

Il a également salué tout le travail gouvernemental visant à susciter et encourager l’émergence de champions nationaux. La référence, pour lui, est l’ancien président du Nigeria, Olusegun Obasanjo, qui a aidé des fortunes telles que Dangoté à éclore.

Sur sa compétence

Tidjane Thiam veut qu’on retienne ses faits d’armes au BNETD (ex-DCGTX). Il y a trouvé près de « 4 000 employés non payés et sans perspective depuis des mois ». Après les avoir mis au travail, il a réussi à redresser la barre, notamment en libérant « 150 expatriés dont la masse salariale dépassait celle des 3 850 autres employés nationaux. Seuls 9 sont restés avec contrats ivoiriens ». Après avoir payé le rappel des salaires, ces derniers ont été « augmentés de 40% ». Les agents ont ensuite eu droit à une « assurance santé et retraite », en plus de « l’hôpital construit spécialement pour eux et leurs familles » sur le site de l’entreprise.

« En 1994, les barrages étaient vides », ce qui était à l’origine des « délestages ». « Le ministre Fadiga m’a demandé de construire une centrale thermique ». « Après avoir lutté pour boucler le financement et construit la centrale, Azito a été inauguré en présence du président de la Banque mondiale ».

Tidjane Thiam dit aussi avoir négocié en équipe « avec Tony Blair la remise de dette dont le pays bénéficie aujourd’hui ». Pour lui, « Les actes parlent plus haut que les paroles ».

L’homme dit aimer les défis, les challenges : « Dans la vie, il faut se renouveler ». Et d’enchaîner sur ses ambitions politiques :
« Je crois que je peux être utile en Côte d’Ivoire. J’ai un certain âge ; j’ai acquis une certaine expérience. Cela fait 37 ans que je travaille. Je crois que la petite expérience que j'ai, peut être utile en Côte d'Ivoire ». Il conclut sur ce point : « Même quand je n’étais pas là, j’ai fait des choses qui ont profité à la Côte d'Ivoire. J'ai toujours été à la disposition de mon pays. Jamais mon pays n'a fait appel à moi sans que je ne réponde (positivement) ».

On retiendra enfin sa fierté d’avoir rempli avec succès la mission à lui confiée par la communauté internationale, il y a quelques années, de trouver des vaccins pour aider l’Afrique à lutter contre la Covid-19. En prime, il a annoncé l’inauguration prochaine au Rwanda d’une usine de production de vaccins, et même pour très bientôt un vaccin contre le paludisme.

Sur sa vision

Comment l’Afrique peut-elle s’en sortir ? Tidjane Thiam pense que rien n’empêche le continent de se développer. Il s’agit de voir comment « le cellulaire a révolutionné notre société ». Après avoir parlé des débuts de la téléphonie cellulaire en Côte d’Ivoire, il a fait le parallèle avec « l’énergie solaire » dont il a vanté les avantages. Avec tout « le soleil » qu’on a en Afrique, on peut s’offrir des « véhicules électriques qui fonctionneront toute notre vie sans carburant ». La « disparition des stations-services », loin d’être un problème pour l’économie, serait positif : « Un gain de pouvoir d’achat pour les ménages qui dépenseront plus et investiront plus ». Et de rappeler que les Etats-Unis ont investi « des milliards de dollars dans le solaire ».

Autre chose, Tidjane Thiam est pour la « digitalisation de l’économie ». L’utilisation de la monnaie électronique (mobile money, cartes de débit et de crédit…) aide même les petits commerçants à devenir entrepreneurs. A cette catégorie qu’on appelle « secteur informel » (le terme le rebute), il fonde beaucoup d’espoir, car « En Afrique, ce qui est inégalement réparti ce sont les opportunités. La base de l’économie, c’est l’économie locale domestique. Les PME, il faut les chérir. Toutes les grandes entreprises sont d’anciennes petites entreprises ».
Sur l’environnement politique, Tidjane Thiam est pour un climat apaisé : « On peut être adversaires sans être ennemis. La paix, ce n’est pas un vain mot, c’est un comportement (FHB) ».

A propos du Niger : « Je ne crois pas aux régimes militaires, à la violence. On peut tout faire avec des balles sauf discuter avec. Les coups d'État, quels que soient les bonnes intentions des perpétrateurs, déstabilisent les choses. Il n'y a pas d’interdiction pour les militaires de nourrir des ambitions. Mais il faut qu’ils comprennent qu’il y a un système démocratique. Ils doivent se soumettre au vote des électeurs et être élus. La vie humaine est sacrée, ce n’est pas négociable. Il ne faut pas accepter la violence comme moyen d’action politique. Il faut croire que l’Afrique francophone a des problèmes ».

Absent du pays depuis deux décennies parce que « chassé » de son poste par le coup d’Etat du général Robert Guéi en 1999, il compte y revenir plus fréquemment, et, pourquoi pas, se mettre à sa disposition : « Dans 10 ou 15 ans, je vois une Côte d’Ivoire maître de son destin avec des ivoiriens heureux qui croient en l’avenir ».

Aléa jacta est

Le sort en est donc jeté. Tidjane Thiam vient de lancer un pavé dans la mare. Avec au passage, l’air de rien, un petit clin d’œil à la communauté internationale : « Je vais me faire taper dessus, mais j’aime beaucoup Israël ». Et un autre aux panafricanistes anti-français : « Il m’a demandé si je suis pro-français. J’ai répondu que je suis pro-ivoirien ! ». Un pavé dans la mare, ou plutôt dans le marigot politique ivoirien, quand on sait que le décès de Bédié libère les cadres du PDCI qui avaient des ambitions cachées pour sa succession, et que la Côte d’Ivoire se demande pourquoi ne pas accorder un mandat supplémentaire au président Alassane Ouattara, en l’absence d’une autre candidature de poids. L’élection présidentielle de 2025 a déjà commencé…

Seydou Koné

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