Médias / Le Fact-checking, outil de lutte contre la désinformation au Moyen-orient
Suite aux tremblements de terre qui ont frappé la Turquie en février 2023, désinformation et fake news se sont propagées rapidement. Dans le cadre du projet Qarib, des fact-checkers ont travaillé d’arrache-pied pour atténuer leurs répercussions sur toutes les parties prenantes, en particulier les victimes de cette catastrophe.
Une vidéo prétendant montrer l’explosion d’une centrale nucléaire turque a été visionnée plus de 1,2 million de fois, une autre assurant qu'un tsunami avait frappé la côte turque a fait plus de 300 000 vues. Ce ne sont là que deux exemples des nombreuses fake news qui se sont répandues après les tremblements de terre survenus en Turquie en février 2023.
Au Moyen-Orient, le programme Qarib, financé par le groupe AFD dans le cadre du Fonds Paix et Résilience Minka, et mis en œuvre par Canal France International (CFI), accompagne les médias en Jordanie, au Liban, en Irak et en Palestine. Il vise à renforcer la confiance dans les médias en soutenant leur indépendance et leur rôle dans la lutte contre la désinformation. Qarib travaille en collaboration avec Arab Reporters for Investigative Journalism (ARIJ), dont la mission principale est de promouvoir le journalisme d'investigation et la transparence.
« Après les tremblements de terre en Turquie, nous avons commencé à remarquer que de fausses informations circulaient en langue arabe avec des photos et des vidéos d'autres catastrophes… y compris malheureusement des discours de haine envers les minorités et les réfugiés », déclare Rawan Damen, directrice générale de l'ARIJ. En réaction, l'ARIJ, via son réseau AFCN (Arab Fact-Checkers Network), a mis en place une ligne directe avec d'autres fact-checkers en Turquie et en Syrie afin de vérifier rapidement toute information reçue en arabe avant qu'elle ne soit publiée ou diffusée. Rawan Damen souligne l'importance de la vérification avant publication car « la plupart des gens se souviendront toujours de la fausse nouvelle, et non de celle qui a été vérifiée. » L’ARIJ a mis au point une méthodologie stricte de pré-publication impliquant une collaboration étroite entre les fact-checkers, les rédacteurs en chef et les journalistes, en plus de la vérification croisée des résultats et de la collecte de données sur le terrain.
Former les fact-checkers
Le plus grand défi a été le volume d'informations à traiter et le manque de connaissances scientifiques et techniques des fact-checkers. Rawan Damen souligne la nécessité de les former afin de renforcer leur spécialisation. Pour Henrik Ahrens, directeur du programme Qarib chez CFI, « le processus de vérification n'implique pas nécessairement qu'ils deviennent des experts thématiques, mais la formation consiste à s'assurer qu'ils savent à qui s'adresser et comment croiser les informations pour les vérifier. Cet aspect est également abordé dans les différents types de renforcement des capacités, de consultance et de conseil que nous fournissons aux médias, notamment pour assurer une couverture des événements bien documentée et approfondie ou fondée sur les données. »
Sur le plan émotionnel, Rawan Damen indique que « de nombreux fact-checkers ne sont pas formés pour faire face à la charge mentale du fact-checking », en particulier lorsqu'ils sont confrontés à des images explicites ou à des événements traumatisants comme des tremblements de terre. Elle a appelé à plus de soutien pour assurer le bien-être des personnes qui travaillent sur le terrain.
Nouveaux outils technologiques
Alors que les technologies évoluent, les fact-checkers doivent s'adapter et développer de nouveaux outils. L'intelligence artificielle et le machine learning (ou « apprentissage automatique ») peuvent contribuer au processus de fact-checking. Rawan Damen explique le travail innovant et fructueux qui a été réalisé par l'ARIJ pour améliorer le traitement d'images pour la langue arabe face aux mauvais résultats de la Reconnaissance optique de caractères (ROC). En outre, le 2 avril 2023, l'ARIJ « lance un chatbot pour encourager le public à signaler les fake news ». Dans un premier temps, l'information est examinée par un fact-checker humain. Si cette même information est ensuite partagée, elle sera signalée comme vérifiée ou fausse par un processus automatisé.
Étendre la sensibilisation aux médias
En outre, afin d'accroître la résilience des citoyens face à l'impact des fake news et de la désinformation, ces mesures devraient s'accompagner de cours « d'éducation aux médias et d'information et pensée critique en général dans les écoles et les universités », indique Henrik Ahrens. Ces aspects sont déjà abordés dans certains programmes scolaires, mais le besoin est encore loin d'être satisfait. L'objectif est que les nouvelles générations soient capables de naviguer dans les discours complexes et « d'évaluer de manière critique les informations et les récits qu'elles reçoivent ».
La sensibilisation à la désinformation a déjà évolué dans une certaine mesure, en particulier sur les réseaux sociaux. De nombreux commentaires d'utilisateurs ayant vu les fausses vidéos du tsunami et de l'explosion de la centrale nucléaire ont soulevé des questions sur leur authenticité et leur crédibilité.
En soutenant les initiatives de développement des médias au Moyen-Orient, l'AFD cherche à renforcer la capacité des médias locaux et des journalistes en Irak, en Jordanie, au Liban et en Palestine à produire des informations de qualité, fondées sur des faits.
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